Afficher De Monléon-Magnoac à Istanbul sur une carte plus grande

lundi 28 janvier 2013

1 mois à Istanbul - 100 millions de chats, la famille et les copains



Après 7 mois de nomadisme nous nous sédentarisons 1 mois à Istanbul où nous trouvons le plus sympathique des colocataires qui soit : Emre. Un coup de bol inouïe, Emre est pince sans rire et très attentionné, une véritable petite maman pour nous qui débarquons dans cette ville. Chaque jour il nous sort du fin fonds d'un placard des mélanges d'épices, condiments et préparations diverses qu'il ramène de son village familiale et qu'il réserve précieusement.
L'appartement est admirablement situé, au dernier étage d'un immeuble sur une colline d'üsküdar, quartier populaire et un brin conservateur de la rive asiatique de la ville. Tout  comme Emre  l'appartement et très calme, il possède une terrasse avec une vue imprenable sur le coeur d'Istambul. Parfait pour s'isoler du chahut incessant qui nous éprouve après 7 mois à marcher dans les campagnes et les montagnes.
Nous passons une grande partie de nos journées à arpenter Istanbul en tous sens : cimetières, parcs, marchés, bazars, sites archéologiques, religieux, le long du bosphore, de la corne d'or, des docks, sous la neige, sous la pluie, au soleil, quartier branché, touristique ou intégriste : la marche est une addiction. Si nous n'avons pas fait nos 15km journaliers, pas moyen de dormir.

Cette pause à Istanbul est également l'occasion de revoir Guillaume que nous avions croisé au Montenegro. Il attend les beaux jours pour reprendre sa route à vélo en direction de la Chine. Toujours aussi sympathique, vif et chaleureux, avec lui nous approfondissons notre connaissance de la ville, philosophons et nous rencardons sur l'Inde où il s'est rendu il y a quelques années et dont il ne semble pas tout à fait revenu. On espère que l'attitude positive et décontractée de Guillaume déteindra quelque peu sur nous avant d'atterrir en Inde. Il faut dire qu'en échangeant nos expériences avec d'autres voyageurs nous nous rendons compte que nous ne sommes pas des plus aventureux et parfois même, frileux.
Nous profitons de longues journées de neige pour renouer avec le plaisir de naviguer sur le web en bouinant sur un canapé, un thé à la main, dans notre petit «chez nous». C'est ainsi qu'en fouinant sur internet nous tombons sur le blog de nic, une jeune anglaise partie seule à pieds de Cornouailles en février 2012 pour rejoindre Istanbul.  Nous étions sur ses pas, puis elle sur les nôtres, nos chemins se sont croisés sans jamais qu'on se rencontre. Nous avons foulé les mêmes routes, vécus souvent des expériences similaires et nos réflexions s'en trouvent très proches. Pétillante, drôle et bourrée d'énergie, elle ne compte finalement pas s'arrêter là. De formation chef cuistot, elle cherche un boulot à Istanbul pour renflouer les caisses avant de reprendre la route vers l'est ou de rentrer chez elle à vélo.

Côté gastronomie, nous profitons de la diversité turque, bienvenue après la monomanie burek-cevapi caractéristique des Balkans.
Les gözmele sont de délicieuses galettes aux épinards, fromage et pomme de terre, tandis que les mantis sont des ravioles stambouliotes servies dans du yaourt à l'ail. Ils font aussi de délicieuses moussaka et bien sûr des pâtisseries aux pistaches à tomber par terre.
Côté musique, Emre nous fait découvrir Sevval Sam dont Benjamin est tombé amoureux et on se familiarise avec les différents instruments et styles musicaux les plus populaires.
Les Stambouliotes entretiennent un rapport tout particulier avec les milliers de chats qui peuplent leur ville. Ils les adorent. Ils les nourrissent, les caressent et jouent avec eux à tous moments. En attendant le bus, en faisant le marché, devant la pharmacie, autour des mosquées, sur le port. Même les businessmen les plus chics et les plus affairés se laissent aller à papouiller les chats dans la rue. On se demande d'ailleurs si tous ces gros matous qui ronronnent et dorment en boule n'ont pas la faculté d'apaiser les habitants du stress généré par la vie urbaine. En effet, Istambul, bien que qu'immense et très densément peuplée reste une ville tout à fait paisible (ce qui ne nous prépare pas du tout pour Mumbai...).
Les nombreux bazars et marchés de la ville sont de magnifiques lieux de vie où l'art de la présentation déploie toute son ingéniosité. Même dans les marchés qui ne se destinent pas aux touristes, les fruits, légumes, graines, épices et poissons se montrent sous leurs meilleurs atours. Parfaitement empilés, alignés, inclinés, ils sont régulièrement réassortis et aspergés d'eau pour reluire au milieu des étoffes et des senteurs. Les chats et les mouettes font intégralement partie du spectacle et guettent le moindre  rab' de nourriture tombé au pied des étals. Ce spectacle a beaucoup plu à nos amis et anciens voisins parisiens Stéphanie et Mathieu qui ont grandement fait honneur à la gastronomie turque en dévalisant les commerçants de notre quartier et ont ainsi contribué à nous rendre encore un peu plus populaire auprès d'eux.

Cette longue pause a été également l'occasion de recevoir la visite de collègues et parents avec qui nous avons eu grand plaisir à partager nos expériences et un bout de notre quotidien stambouliote ...
Karine, la mère de Benjamin, envisage déjà de venir passer sa retraite à Istanbul tant les turcs dont aimables et attentionnés avec leurs aînés.

Nous passons une dernière soirée avec Emre et quelques un des ses amis : Giedre, lithuanienne étudiante en civilisation arabe nous explique que la plupart des filles avec qui elle partage les bancs de l'université ne sont pas très préposés aux échanges avec une étrangère et étudient l'arabe dans l'unique but de comprendre le Coran. Attristés par ce constat, les amis d'Emre nous parlent de la situation politique du pays où il est de plus en plus difficile d'exprimer certaines opinions qui iraient à l'encontre des préceptes islamiques radicaux. Il s'agit pourtant, et jusqu'à nouvel ordre, d'une république laïque. Mais ces 10 dernières années le gouvernement n'hésite pas à faire passer un certain nombre de lois rétrogrades sous l'influence des Émirats (et de leur force de persuasion financière). Ces derniers savent que la Turquie est un modèle pour les pays arabes qui ont fait leur révolution, aussi, si, ce pays pouvait avoir des moeurs un peu moins  libérales ça les arrangerait bien.
Ce schéma nous l'avons déjà évoqué au sujet de Sarajevo et de la Bosnie et ça tombe bien puisqu'une des amie d'Emre est précisément d'origine bosniaque. Nous sommes réciproquement ravis d'échanger sur la Bosnie-Herzegovine et son charme discret-destroy. Elle étudie les sciences-politiques aux États Unis et a, entre autre, participé à l'organisation, à Sarajevo, de séances de projections de films auprès de publics scolaires mixtes bosniaques/serbes/croates de Bosnie. La société bosniaque n' offre pas, à l'heure actuelle, aux élèves des différentes origines l'occasion de se rencontrer et de dialoguer, les écoles étant encore séparées...Ce genre d'actions educatives nous parlent évidemment énormement.
Face a ces comportements sectaristes, communautaristes et nationalistes, elle et son copain turc d'origine arabe (vétérinaire a la municipalité d'Istanbul, il a plein de très bonnes anecdotes) forment un chouette couple mixte réjouissant et un peu rassurant. On gardera cela comme dernier souvenir de la Turquie.