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mercredi 24 octobre 2012

De Vranj [Montenegro] à Bajram Curri [Albanie] - Douche écossaise albanaise



Chaque km qui nous rapproche de la frontière albanaise voit s'intensifier la présence de vieilles Mercedes pleines à craquer de passagers qui ont l'air de faire salon, quand ce n'est pas le cas, elles s'arrêtent pour nous proposer de nous embarquer. Les intérieurs sont cosy, tapis, moumoutes leopard..., quant aux carosseries, les coloris ont un air désuet de tapisseries années 70: vert pate d'amande, marron caramel, rouge framboise, beige creme anglaise ou orange carotte...etc. Nous passons la frontiere entre les chèvres qui crapahutent autour de la douane sans papier.

Un peu plus loin, aux abords d'un village, alors qu'on fait une pause, trois marioles de 13/14 ans a tout casser conduisent une BMW rutilante et s'arrêtent à notre hauteur. L'un d'entre eux descend et demande de l'argent "money, money, money". Nous lui demandons pour quoi faire ? Il ne répond pas tandis que dans la voiture ses deux camarades font mine de nous pointer avec ce qui semble bien être un vrai fusil. Devant l'impassibilité de Benjamin qui continue à remplir sa gourde, ils font demi tour en rigolant. 200 metres plus loin alors que nous reprenons la marche, un gamin du même âge court nous rejoindre pour nous proposer gentiment de l'eau ...
Après ces premiers contacts albanais sous forme de douche ecossaise, nous tombons sur un père qui promène ses deux enfants dans une brouette. Il parle allemand. Lorsque nous lui indiquons notre destination du lendemain, il nous propose tout de suite un raccourci qui part juste derrière chez lui. Il s'agit de l'économie d'une bonne quinzaine de kms et il a la gentillesse de nous loger gratuitement dans la maison de vacances de sa cousine qui vit en Grèce. C'est l'occasion de rencontrer Suada, sa nièce, une adorable adolescente de 17 ans qui parle un très bon anglais et rêve de devenir infirmière. La famille d'une grande douceur et le sourire bienveillant de Suada nous font bien vite oublier la désagréable rencontre de l'après-midi. Ils nous donnent de précieuses informations, notamment sur les possibilités de ravitaillement [aucune] qui nous seront bien utiles pour organiser notre traversée des Alpes albanaises.

Nous y passons quatre jours sous un ciel radieux seuls dans les montagnes et les forêts rougeoyantes . Les habitants de ces vallées enchanteresses sont peu nombreux mais font vivre intensément les lieux. Des bergères tricotent des chaussettes en gardant leurs troupeaux, de la fumée s'échappe des rares maisons disséminées entre les cultures et il n'est pas rare de tomber sur un cochon, une vache ou quelques chèvres au detour d'un chemin. Le point d'orgue de cette traversée est notre passage à Theth, petit village planté au coeur d'un cirque spectaculaire et quasi-inaccessible. Nous y dormons chez trois dames bien rigolotes dorlotés par une mamie qui s'enfile du rakia. Nous profitons de la chaleur apaisante du feu de cheminée qui crépite tandis que nous jouons avec le chat de la maison.
À la sortie des montagnes, bien éprouvés par les nombreux dénivelés de cette fantastique randonnée, nous faisons une journée de pause à Bajram Curri, petite ville campagnarde albanaise où cohabitent logements collectifs déglingués, corps de ferme vernaculaires, internets cafés et vaches en liberté circulant entre les mercedes et broutant trois radis entre des sacs plastiques.

De Dubrovnik a Vranj [Montenegro] - Entre deux averses



Tleytmess a attrapé un rhume on ne sait trop où (elle est probablement allergique aux pauses), et l'idée de passer un jour de plus en famille est tentante, nous décidons de nous épargner la sortie de Dubrovnik par la route et embarquons sur un bateau en direction du petit port de Cavtat.
Comme lorsque nous avions quitté Klevonica, la Bura (vent du nord) a soufflé pendant la nuit qui précède notre départ. Le ciel est limpide, les reliefs des montagnes ciselés et la mer d'un bleu profond. Notre petit chemin longe la côte dans la campagne. Bruyères mauves et bruyères blanches s'alternent entre les caillasses, les arbousiers et les rhododendrons. Des armées de cyprès d'une verticalité presque autoritaire se dressent dans les collines comme un bataillon de soldats.
On passe la douane pour le Montenegro sans encombre (la route est en travaux, ce qui réduit considérablement la circulation), puis arrivons rapidement sur la baie de Kotor que nous longeons ensuite pendant une bonne trentaine de bornes. Les montagnes plongent littéralement dans l' eau et les petits villages que nous traversons sont tous plus ravissants les uns que les autres. Un matin, alors que nous observons deux zodiacs qui font de drôles de manoeuvres nous comprenons qu'ils s'amusent avec un dauphin dont nous apercevons furtivement l'aileron.

Deux jours de pluie continue nous retiennent a Kotor, superbe petit port fortifié au pied d un enorme piton rocheux. Nous profitons d une relative accalmie pour emprunter les lacets qui montent au dessus de la muraille et nous menent a l entree du parc national de Lovcen. Le temps restant incertain, nous traversons celui-ci dans la foulee et arrivons de nuit a Cetinje. A nouveau bloqués par la pluie, c est sous nos kways que nous decouvrons le célèbre parcours architectural de l'ancienne capitale montenegrine jalonné de différentes ambassades du début du siècle, de quelques musées et d'un monastère abritant une ravissante petite église orthodoxe.
Nous poursuivons notre chemin vers Rijeka Crnojevica ou nous avons juste le temps de trouver une chambre dans une maison de pêcheur avant qu un deluge s'abatte sur la region. Nous sommes bien contents de ne pas être sous notre tente. Le lendemain, un temps radieux et Guillaume, cycliste francais jovial, nous accompagnent une bonne partie du chemin qui nous mène a Virpazar a travers le parc national du lac Skadar [une des plus grande réserve ornithologique d europe]. Le lac, ses zones marécageuses et les montagnes poilues qui semblent flotter dessus, composent une carte postale tres singulière. Nous n'aurons pas la chance de voir les fameux pélicans qui y vivent [symbole du parc national de Skadar], par contre nous avons croise plusieurs gros serpents et un matin un pêcheur - patron du bar dans lequel nous prenons un café - deboule avec une carpe géante qu'il brandit fierement a ses clients avant de l'expédier en cuisine pour la soupe du soir.
On continue notre tour du lac Skadar par le nord en direction de la frontière albanaise. A l approche du village de Vranj on se fait inviter a boire un verre de rouge par Dejan qui nous parle dans sa langue avec un enthousiasme et une énergie debordante. Le résultat reste cependant limite, on ne comprend pas grand chose si ce n est qu il nous déconseille d'aller au Kosovo. Son copain Goran fait allusion au fait qu ils y ont combattu [on suppose vu le malaise, au service de l'armer serbe contre les indépendantistes albanais du Kosovo...]. Dejan esquive le sujet et nous maintient qu il ne faut pas s' y rendre.
La nuit tombe, nous accélérons le pas. A peine entrons-nous dans le village de Vranj qu'une dame nous interroge [notre nationalite et notre direction comme toujours] et nous accompagne. Plus loin un jeune homme veut lui aussi nous indiquer le chemin a suivre jusqu'au prochain village et ne resiste pas, en passant devant le bar, à informer tout le monde de notre présence. Aussitot nous sommes pris d assaut. Tandis que deux d'entre eux dessinent à Tleytmess la route a suivre, un autre nous propose de nous amener en voiture à la frontière albanaise et le dernier tend a Benjamin son téléphone portable.. en ligne son cousin qui parle parfaitement francais et qui s'assure que nous n' avons besoin de rien. La scène est cocasse, tous ces gens sont gentils, attentionnés et curieux même s'ils n' écoutent rien de ce qu'on leur dit. Trop occupés qu'ils sont à être le plus serviable possible, ils ignorent totalement le fait que nous possédons une carte assez précise de la région et que nous ne sommes pas du tout perdus [ce qu on s' évertue à leur expliquer depuis une demi-heure...]. On parvient finalement a se dépêtrer de ce joyeux tohu-bohu, se demandant si l'extrême prévenance de ces gens est dûe à leur religion musulmane et a sa notoire tradition de l'accueil [Vranj est le seul village de la région à posseder une mosquée] ou bien a leur probable origine albanaise [peuple réputé pour être des plus accueillant].

dimanche 7 octobre 2012

Un petit quelque chose pour les oreilles

Depuis la Slovenie nous nous sommes mis a collecter quelques sons que nous avions envie de partager. En voici une petite selection a ecouter, que vous pourrez retrouver dans les posts correspondants.

> Dans un camping, en Slovenie, un Tcheque chante Folsom Prison de Johnny Cash dans sa langue :


> A Jajce, Bosnie et Herzegovine, Benjamin se fait couper les cheveux chez un vieux coiffeur qui ecoute une radio folklorique :


> A Jajce toujours, l'appel a la priere du Muezzin se mele au chant des oiseaux :


 > A Sarajevo, au restaurant Kibe, deux vieux musiciens chantent a notre table :


> Sur l'ile de Lokrum, en face de Dubrovnik en Croatie, un groupe de personnes pic nique chante joyeusement :


> Dans un restaurant de Mostar, Benjamin se renseigne sur la musique qui passe, il s'agit d'Indexi, un groupe d'ex-Yougoslavie. Face a notre enthousiasme, le patron nous offre le disque.

De Mostar (BiH) à Dubrovnik (Croatie) - Cuisine bosnienne et retrouvailles




Nous profitons de notre pause à Mostar pour nous rendre à Blagaj, une petite commune des environs où se trouve la maison des derviches et surtout une maison musée ottomane récemment ouverte par Semir. Après une visite passionante dans un français parfait (il a étudié dans la Drome pendant la guerre), il nous offre un café et nous prolongeons la discussion dans le patio de la maison, un petit havre de paix. Semir est très optimiste quant à l'avenir de son pays, beaucoup de jeunes ont profité de la guerre pour partir (apprendre d'autres langues, se confronter à d'autres cultures, se former etc...), ils sont maintenant de retour avec de l'energie à revendre pour mener des projets en Bosnie. Il nous fait aussi gentiment comprendre qu'il y a des subtilités moins évidentes que la classification Serbe = Orthodoxe, Bosniaque = Musulman et Croate = Catholique. Ce n'est toutefois pas l'impression que nous aurons lors de nos derniers jours en Bosnie.

Nous traversons le sud de l'Herzegovine ( à dominante croate), passons à quelques kilomètres de Medugorje (le Lourdes local) et arrivons pour notre première nuit après Mostar, dans un village où se trouve un monastère. On rêve d'un accueil chaleureux digne de celui réservé aux pèlerins dans les meilleurs récits bibliques. Les deux premiers habitants auxquels nous nous adressons pour trouver un emplacement nous indiquent des endroits parfaitement impraticables, le troisième, un jeune arrosant ses fleurs, a pour seule réponse qu'il va faire froid et désigne vaguement l'endroit d'oy l'on vient pour nous faire comprendre que «par là» ça doit se trouver. C'est finalement une famille en plein atelier confection de crucifix (il y en a une vingtaine taillés grossièrement dans du bois qui pendent de la pergola) qui accepte sans grand enthousiasme que nous mettions la tente dans le pré qui leur appartient. Le lendemain, tandis que l'on démonte la tente, la mère nous observe du perron de sa maison: «dovidenja, dovidenja» (aurevoir). Le lendemain, dans une vallée truffée d'églises ce sera le même scénario. A l'évidence ce n'est pas ceux qui affichent le plus clairement leurs convictions qui en appliquent au mieux certains préceptes...
Si notre entrée en Bosnie fut accompagner par le chant des muezzins, notre sortie se fait au son des cloches. Nous sommes ici en terre catholique et croate. Au rétro des voitures se balancent des chapelets (une auto sur deux, on a compté !), et au fronton des mairies des drapeaux croates, quand aux indications en cyrillique elles sont systématiquement vandalisées.
A réfléchir à ce qui pourrait fédérer les Bosniens au delà des différentes appartenances, nous avons tout de suite pensé à la gastronomie. Cevapi (petites saucisses sautées servies dans une pita avec oignons crus et fromage frais) et bureks (feuilletés fourrés à la viande) sont inévitables sur l'intégralité du territoire. Et tant qu'on y est, et comme promis causons bouffe:
Nous avons découvert en Bosnie;
- Klepe de Sarajevo (raviolis farcis à l'oignon dans une sorte de crème fraîche épaisse)
- Japrak (feuilles de vigne farcies)
- Dolma (petits légumes farcis avec du riz)
- Boza (boisson d'Asie centrale au germe de blé)
- Pstrmka (truite grillée en rayon ds toutes les bonnes rivières bosniaques)
- Tufahija (poire au sirop fourrées aux noix)
- Et tout un tas de viandes grillées, rôties et en sauce cuites à la perfection.

Nous sommes maintenant de retour en Croatie, et même si les paysages rappellent ceux que nous avions traversé il y a un mois (en moins sec), le sentiment national et l'appartenance religieuse sont beaucoup plus affirmés ici. Croix et drapeaux ont clairement la même fonction: marquer le territoire. Nous voyons régulièrement des gens se signer avant de monter dans leur voiture. Vu le nombre de plaques commémoratives qui ornent le bord des routes, on pense qu'ils feraient mieux d'attacher leur ceinture plutôt que de s'en remettre à dieu.
Tout ceci nous amène à nous faire une idée un peu caricaturale des croates catholiques de la région. Heureusement l'accueil sympathique qui nous est réservé à Mislina vient briser notre schéma simpliste. Après s'être fait offrir deux verres de rakja par une famille mixte serbo-croate à l'entrée du village nous tombons sur Stana et Petar à qui l'on s'adresse en vue de trouver un emplacement pour la tente (entre les zones marécageuses, les flancs de montagnes caillouteux et les cultures, ce n'est pas évident). Stana prend Tleytmess par le bras, la fait montrer à l'étage de sa maison pour lui montrer une chambre toute neuve: elle nous invite. Pendant ce temps Benjamin s'est fait kidnapper par Petar et boit un coup dans le salon. Stana embarque ensuite Tleytmess pour une petite visite du village et de sa collection de napperons. On comprend vite qu'il y a les affaires de femmes et celles des hommes (et ça aussi d'ailleurs c'est un point qui uni croates, bosniaques et serbes, et pas seulement chez l'ancienne génération).

Comme lorsque nous longions la partie nord de la côte croate avant d'entrer en Bosnie, nous tentons de rester à distance du bord de mer, de la route côtière, de ses bus, de ses camions, de ses camping car, mais aussi de ses cyclistes dont on aimerait comprendre le choix de l'itinéraire. Probablement vont ils encore un peu trop vite pour prendre le temps de réfléchir à un parcours plus judicieux. En effet, les alternatives en hauteur offrent non seulement une vue splendide sur la mer et les îles, mais également la possibilité de découvrir de petites vallées luxuriantes. Vignes, figuiers, mandariniers, grenadiers, poussent dans cet environnement calme et paisible. De temps en temps on entend tinter une coche, c'est une chèvre où une vache planquée à l'ombre des broussailles.

C'est une autre ambiance qui nous attend à Dubrovnik où des hordes de touristes arpentent le rue principale. Mais comme d'habitude, quelques pas dans les rues adjacentes et on se retrouve seul, où plutôt en famille, puisque la mère, la tante et la soeur de Tleytmess sont venues nous rendre visite.


En bonus pour les oreilles :
Sur l'ile de Lokrum, en face de Dubrovnik en Croatie, un groupe de personnes pic nique chante joyeusement :