Afficher De Monléon-Magnoac à Istanbul sur une carte plus grande

samedi 15 décembre 2012

De Tekirdağ à Istanbul - 100 millions de pots d'échappement et nous et nous et nous...



La centaine de bornes qui nous sépare d'Istanbul n'est pas très exaltante, nous le redoutions et ça se confirme. La route longe la mer et traverse alternativement stations balnéaires sans âme et villages-vacances désertés (sans âme également donc). Ajoutons à cela des journées de pluie persistante qui nous font sentir rapidement le vieux chien mouillé et nous obligent à nous arrêter dans des hôtels pas toujours très bien chauffés, voire frigorifiques. Heureusement nous faisons la rencontre sur la route de quelques phénomènes qui pimentent nos dernières journées de marche.

Cemal et ses deux collègues ouvriers nous invitent à déjeuner dans leur cantine, nous pensons être invités à manger une soupe, c'est un repas complet qui nous est servi tandis qu'ils se contentent d'un plat de haricots. On est toujours un peu stupéfaits par la générosité de ces gens et même quelques fois pas très à l'aise. Histoire d'avoir quelque chose à offrir en retour, on sort notre petit carnet de route dont les dessins, dates et noms de villes traversées passionnent Cemal qui tient un véritable conciliabule sur notre voyage avec ses collègues auquel nous ne comprenons pas grand chose. Et toujours pour témoigner de notre reconnaissance, on prend leur adresse postale pour leur écrire depuis un autre endroit de notre périple. On a ainsi envoyé des cartes à tous les gens qui nous ont consacré un peu de temps. On aime a penser que ces courriers laissent sur notre passage comme une trace de notre voyage, ce sont nos petits cailloux blancs à nous.

Les invitations turcs s'apparentent parfois presque à des kidnappings. Suat fait des grands signes depuis sa voiture, nous lui répondons mais persistons à marcher. Il descend de sa voiture, traverse d'un air décidé la double voie, nous refourgue deux pide (pizza local) toutes chaudes. A peine les remerciement engagés, nous nous retrouvons embarqués pour aller boire un thé et finalement dormir chez lui. Il nous laisse seul dans sa maison, il a beaucoup à faire, il doit encore boire quatre ou cinq litres de thé et fumer trois paquets de clopes avec ses copains au bar du coin. Pendant qu'on se repose et qu'on prend une douche, son voisin Erdoğan frappe timidement à la porte pour nous dire qu'il est en train de nous préparer à manger. On comprend vite que c'est Suat qui l'a appelé pour le mettre sur le coup. İl nous fait griller du poulet et des légumes du jardin. Délicieux ! Il a l'air un peu stressé d'avoir des invités, cherche tout le temps un truc à faire, transpire et touche à peine à son assiette. Tleytmess est en empathie totale. Il nous précise qu'il est d'origine bulgare et qu'il est venu s'installer ici en 1989. Il a un atelier et un magasin de joaillerie à Istanbul, et il évoque des problèmes avec des voleurs qui seraient souvent kurdes. On aurait bien envie de lui répondre qu'en Grèce on nous disait que les voleurs étaient souvent bulgares... malheureusement, notre niveau de langage ne nous le permet pas. Pourtant depuis le début nous avons toujours tenté d'exprimer le plus clairement possible et souvent avec humour nos opinions. Une idée simple : pour que la rencontre soit réciproque on doit laisser de côté les salamalecs et s'obliger à un minimum d'honnêteté au risque de déplaire. Du coup, contrairement à ce qui est conseillé dans les guides, nous n'avons jamais menti ni sur notre statut, ni sur notre religion : nous affirmons clairement lorsqu'on nous le demande que nous ne sommes ni mariés, ni croyants, ça laisse souvent un blanc, mais pour l'instant «problem yok» comme le dit souvent Suat.

A l'approche du but, on s'enfile des journées de 25km sans trop de soucis ni de pauses. Le bruit assourdissant de la circulation nous empêche désormais de chanter pour passer le temps, alors on s'autorise à penser rétrospectivement à ce voyage qui semble bien toucher à sa fin. On se rend compte que sur les 7 mois passés à marcher, chaque journée etait suffisament singuliere et dense pour qu'on s'en souvienne précisement . On peut ainsi puiser un nombre infini d'impressions, de couleurs, de prénoms, de textures, d'odeurs, de gouts, de sentiments, de rencontres, d'émotions, de pensées, de sourires, de questionnements, de doutes...
Et puisqu'on parle de doute, ça commence à devenir vraiment dangereux de longer cette foutue D-100.
Comme souvent, lorsqu'on marche au bord des routes, les gens nous prennent pour des fous; et pour la première fois on se demande si en effet on ne l'est pas un peu -fou-. Qu'est ce qui nous pousse à vouloir à tout prix faire ce dernier tronçon jusqu'au panneau «Istanbul» ? Certainement l'une des choses qui a toujours été motrice jusqu'ici : sentir, éprouver notre environnement. Ces derniers jours, pour la seule et unique fois du voyage cet environnement est celui d'une ville tentaculaire qui s'étale à perte de vue. En entrant dans cette mégapole à pied on prend la mesure des différentes strates, des frontières successives, et de la densification progressive. Le flux de véhicules, les zones industrielles, les ports, les stations services, les motels, les centres commerciaux, les décharges, les bretelles d'autoroute, les pépiniéristes, les vestiges archéologiques, les buildings en construction, les cités dortoirs, les parkings, les salles de congrès vides; cet agglomérat nous dégoûte autant qu'il nous fascine.


On n'a finalement pas trouvé le panneau
On a alors écrit un petit mot
Avec des caılloux
Pour marquer le coup

mardi 4 décembre 2012

D'Alexandroupolis (Gr) a Tekirdağ (Turquie) - Eloge aux camionneurs



Pas moyen de passer la frontière greco-turque a pied, c'est formellement interdit. On a tourné le probleme dans tous les sens, on est obligé de prendre un bus qui nous mène a Keşan, la première ville turque après la frontière. Dès notre sortie de l'hotel où nous avons passe la nuit a Keşan nous croisons tout un tas de gens tres souriants qui nous font un accueil chaleureux ce qui nous euphorise complètement. On est en train de se dire qu'on se sent bien dans ces pays un peu bricolo-bordéliques. On repense au Piemont italien ou a la Bosnie-Herzegovine entre autres. On s'emballe un peu tout en riant et en envoyant des grands "Merhaba" a tout le monde quand on croise un type qui nous annonce que le quartier vers lequel on se dirige est tres dangeureux. Il préfère qu'on repasse par le centre ville pour regagner la route principale. On demande pourquoi, il nous dit que son anglais n'est pas assez bon pour expliquer maıs nous lache quand même "Gypsies steal people with guns..." Plusieurs personnes nous avait deja fait des signes de rebrousser chemin avant, mais comme elles ne parlaient pas anglais, on pensait que, comme d'habitude on oubliait que nous sommes piétons pour nous indiquer un chemin plus rapide en voiture... Nous réfléchissons un moment et décidons de ceder à la peur et aux eventuels fantasmes du type en rebroussant chemin. Nous ne voulons pas prendre de risques et sommes un peu moins zélés depuis l'episode albanais. On ne l'a jamaıs vraiment été d'ailleurs, zélés, on est plutot prudents de nature mais on essaye, dans la mesure du possible, d'evaluer la crédibilite de nos interlocuteurs et de ne pas prêter trop d'attention à des discours racistes, alarmistes, à des querelles de quartiers ou à des types un peu trop alcoolisés. Pas évident de savoır sı cet endroıt etait réellement un repaire de malfrats ou simplement une banlieue très pauvre habitee par des roms. On repense à notre sortie de Mostar dans les bidonvilles ou à la traversee de la banlieue déglingue de Gjakova que certains nous auraient peut-etre déconseillé... si nous les avions croisés. Pas toujours évident de faire la part des choses.

Le long de la quatre voies qui traverse cette partie de la Thrace orientale nous continuons a brailler notre répertoire de chansons quı s'enrichit de jour en jour et dont nous ne sommes pas peu fiers. Les camionneurs et pas mal d'automobilistes nous klaxonnent et font de grands bonjours ce qui nous faıt toujours autant marrer. Nous marchons a contre-courant du flux, par sécurité bien sur, mais aussi pour eviter qu'une voiture sur deux nous propose de nous embarquer et que notre refus passe pour une impolitesse : on ne refuse pas une invitation en Turquie. 
Une chose amusante que nous n'aurions jamais soupconné au depart de ce voyage, c'est l'amitié que nous font les camionneurs qui nous considèrent presque comme étant des leurs (ce qui amuse beaucoup Benjamin qui n'a toujours pas son permis). Ils entretiennent un rapport au voyage et à la rencontre de l'autre bizarrement assez proche du notre. Romeo en İtalie, Šefık en Croatie, Rusmir en Bosnie et Herzegovine et Christos en Grece, tous des camionneurs qui temoignent d'une grande curiosité et surtout qui n'ont pas peur de l'alterité, sans doute un peu parce qu'ils voient du pays...
Car, malheureusement depuis le début de ce périple, on se rend compte que c'est plutot rare. Entre deux bosniens qui nous disent que le probleme en France c'est les arabes (merci la télévision et le spectacle a sensation des voitures qui brulent en banlieue parisienne), un bon nombre de grecs et d'italiens qui semblent très inquiets du récent flux migratoire dans leur pays, certains grecs qui ignorent les macedoniens ou font mine de ne pas comprendre quand on parle d'İstanbul (Konstantinoupoli), une serveuse qui nous dit, l'air inquiet, qu'en Turquie les gens sont ''différents''(on n'a pas eu la présence d'esprit de lui dire que c'est précisément ce qu'on cherche avec ce projet les gens différents), un macédonien qui déplore que dans son village seulement 50% de la population soit "clean" (les 50 autre étant des macédoniens d'origine albanaise, turque ou des roms), et cela reste le meilleur, ce francais de Murat sur Vèbre qui dans un restaurant explique vouloir "balancer des grenades à la gueule de ces sales moukhers" (très élégant, on a failli s'étouffer et on a mis quelques jours à s'en remettre à vrai dire...) Alors pour se réconforter, et pour changer des chansons, on s'est appliqué à énumérer les noms aux douces consonnances étrangères de nos amis et connaissances en se disant qu'on était tout de même assez fiers de la mixité culturelle francaise.

C'est a nouveau un camionneur qui nous fait signe de venir boire un thé alors que la pluie se met a tomber en traversant le village de Yenice. Hüseyin est a la retraite et il tient une petite gargotte en bord de route ou il cuisine et vend des piments et des tomates de son jardin. La météo s'annonce très mauvaise pour la nuit, Hüseyin nous déconseille de dormir dans la tente et nous propose de dormir dans une sorte de salle des fêtes juste derrière son restaurant. Il nous offre des fruits et une portion de peynir helvası, un dessert traditionnel turc a base de fromage avec beaucoup de beurre et de sucre qui a la consıstance d'une purée au gruyère filendreuse, très gras et très bon. Benjamın n'aime pas trop et justement, puisqu'on parle de lui, il vient de s'éclipser avec un groupe de chasseurs quı veulent lui montrer les sangliers qu'ils viennent d'abattre. Ce grand benêt quı ne sait pas dire non, revient avec un énorme morceau de bidasse tout frais sanguinolant entre les mains et un sourire niais qui dit "on va faıre quoi avec ca maintenant ?" Heureusement que nous sommes dans un restaurant et que Hüseyın, un peu étonné dans un premier temps, nous propose de cuisiner cette viande pour nous. C'est donc un sanglier aux petits légumes et à l'ail qui fera notre repas du soir. Hüseyin écoute une très belle musique turque (des choeurs feminins) et nous confie qu'il n'apprécie guère l'usage abusif des moniteurs TV et autres écrans plasma dans les lıeux de convivialité. Il ne parle que turc (et roumain ce qui ne nous aıde pas des masses) mais fait des efforts considérables pour qu'on puisse echanger : on gesticule, on dessine, on mime, on chante... et on parvient une fois de plus a passer un bon moment. Depuıs l'İtalie que nous sommes confrontés à des gens qui ne parlent pas notre langue. Nous avons constate qu'avec ou sans l'anglais ou l'allemand comme béquille, ce qui compte vraiment c'est l'envie et le sens de la pédagogie. Alors que certains sont tétanisés à l'idee de devoir communiquer autrement que dans leur langue, d'autres déploient des trésors d'astuces et d'imaginatıon juste pour le plaisir de causer un brin avec nous.
Le lendemain, en approchant Tekirdağ, dernière grosse ville avant İstanbul, on apercoit la mer de Marmara et le vent qui souffle par bourrasque transporte avec lui les premiers flocons de neiges.


vendredi 30 novembre 2012

De Kavala à Alexandroupolis - En chantant a travers la Thrace




Nous continuons notre traversée du nord-est de la Grèce sous un ciel radieux et un air relativement doux pour la saison. Ces régions très peu touristiques ont la particularité d'être principalement peuplée par des grecs de confession musulmane. Des minarets pointent dans les villages disséminés dans la campagne et révèlent une facette de la Grèce que nous ne soupçonnions pas.
Bien que le paysage soit joli, les routes que nous suivons sont droites, longues et monotones alors on en profite pour apprendre des chansons qui constituent maintenant notre juke-box du voyage. On a à notre actif quelques Gainsbourg, un Barbara, une pincé de Johnny Cash, des Stones, du Brassens, du Piaf, un Bourvıl et même « l'indépendantiste du 14ème arrondissement» de Renaud qui nous a été inspiré par notre traversée de l'ex-yougoslavie.

Alors que Benjamin commence à désespérer de marcher sur une route qui semble longer à l'infini l'autoroute qui mène en Turquie, un panneau nous indique la via Egnatia, ancienne voie romaine qui menait alors à Byzance (aujourd'hui Konstantinoupolis pour les Grecs et Istambul pour les autres). On va la suivre sur une vingtaine de bornes, ce qui nous permet de nous plonger dans un environnement naturel qu'on ne fait que deviner en restant sur la route. Ca fait du bien aux pieds et au moral de fouler des petits chemins d'autant plus que la lumiere est sublime. On se paume un peu, on avance a ''visto de nas'', on retrouve notre chemın, une source providentielle, puis la route qui nous mene a Alexandroupolis. Nous approchons une nouvelle fois de la côte Égéenne. Au loin, surgit de la brume dans laquelle la mer se dissipe, l'impressionante silhouette fantomatique de l' île de Samothrace qui culmine à plus de 1600m.

On ne pensait pas y arriver et pourtant on dirait bien qu'on s'approche du bout de la Grèce. En arrivant a Alexandroupolis, qui nous semblait il y a encore quelques semaines un but bıen lointain, un panneau nous annonce que Konstantınopoulis n'est plus qu'a 297kms... qui, malheureusement pour nous, n'offrent pas d'autres alternatives qu'une voie express ou circulent d'enormes camions...

lundi 19 novembre 2012

De Kerkini à Kavala - Une nuit dans un 33 tonnes



Nous quittons a reculons notre chaleureuse petite auberge pour longer le lac de Kerkini en direction d'Hiraklia. La compagnie de nombreux volatiles: pelicans, herons et flamands roses nous remotive. Les pelicans tout particulierement, dont nous observons attentivement la technique de peche, nous amusent beaucoup. Ils avalent tout rond une quantité industrielle de petits poissons et ressortent de l'eau la tignasse en petard.
Les jours qui suivent nous traversons une campagne vallonnée, tres exploitée. Principalement des champs de coton, des vignes et des vergers d'oliviers dans lesquels nous choisissons souvent d'installer la tente. L' automne étant maintenant bien avancé, la plupart des champs sont labourés ce qui donne au paysages de subtiles dégradés de teintes marron-ocre crème brûlée. La campagne grecque nous semble bien moderne en comparaison de celles que nous avons traversée dans les balkans. Les tracteurs trimbalent tout un tas d'engins aux fonctions bien déterminées, les meules de foin sont faites par des machines et bien sur fini les carrioles tractées par des ânes. De même, nous avions un peu oublié ce que pouvait être de véritables zones commerciales et restons assez effarés devant le besoin impérieux qui pousse les gens à consommer tout un tas de trucs rarement fondamentaux (...et de nous demander par la suite comment on fait pour se payer un pareil voyage...). Ce matin pourtant, le gouvernement grec vient de voter un nouveau budget d'austerite.

Pour le plus grand bonheur des yeux et des papilles les branches des plaqueminiers s'affaissent sous le poids d'enormes kakis couleurs braises tandis que la peau sèche des grenades craque et explose litteralement sous la pression de gros pepins rubis gorges de sucre et d'eau. Toutes ces vitamines tombent à point, nous sommes tous les deux enrhumés et bien fatigués depuis notre entrée en Grèce. Les journées sont courtes et si nous voulons maintenir nos 25kms quotidiens nous ne pouvons nous accorder trop de pauses. Nous déclinons a regret les quelques invitations qui nous sont faites d'aller boire un café.

Et si dans la plaine italienne en tenue de randonneur nous faisions figure d'extraterrestres, ici, avec nos blousons, gants, bonnets et batons, nous avons l'air de deux skieurs égarés a quelques km de la côte. Sur notre passage dans les villages, les Grecs crient : touristes ! touristes! et quand ils apprennent qu'on est francais ils nous parlent de Sarkozy/Hollande.

En vracs, quelques caractéristiques notables depuis notre entrée sur le territoire hellénique : De tres jolis decors peints ornent le contours des fenêtres de maisons au plan carré sobres et élégantes, les pâtisseries sont parfumées a la fleur d'oranger et a la cardamome, de nombreux vendeurs ambulants parcourent les campagnes avec des camionnettes équipées de haut-parleurs nasillards, les grecs ont souvent dans la main un chapelet qu'ils tripotent de maniere machinale, et les camionneurs ont régulièrement, plantées au milieu de leur pare-brise, d'enormes croix orthodoxes clignotantes (du plus bel effet...). Ce qui reste cependant le plus déroutant pour nous en Grèce est la facon qu'ont les gens de dire oui ou non. Le ne (oui en grec) s'accompagne d'une inclinaison de la tête sur le coté tandis que pour dire non (ochi), les gens lèvent très lentement les yeux au ciel. Nous restons souvent interloqués tant ces mots et ces gestes sèment la confusion dans l'esprit d'un francais.

C'est également dans la plus grande confusion que nous rencontrons la famille Etamos. A la sortie du petit village d'Antifilippi, nous faisons le plein en eau en vue de se cuisiner des pâtes. En cassant des branches pour préparer notre feu, nous déclenchons les aboiement d'un gros chien, gardien d'un entrepot grillage qui nous surplombe. Rapidement, l'alerte est donnée, un homme à la voix de baryton arrive, nous pointe avec sa lampe torche et nous questionne en grec. Il est à une dizaine de mètres au dessus de nous, derrière un grillage, dans l'obscurité nous sommes éblouis par sa lampe. La communication est quasiment impossible, il s'en va et revient quelques minutes plus tard avec sa fille qui touche quelques mots d'anglais. Elle nous demande de faire le tour pour les rejoindre. On s'exécute. Le monsieur, sa fille et sa femme nous conduisent près d'un énorme camion volvo. Nous ne comprenons pas vraiment où ils veulent en venir, jusqu'au moment où ils ouvrent la porte, allument la lumière et nous désignent deux couchettes. On éclate de rire, la situation est cocasse, nous allons passer la nuit dans la cabine d un poids lourd, sur le parking d'une entreprise de distribution de nourriture pour animaux. Ça nous convient parfaitement, l'engin est isolé et nous aurons moins froid que dans la tente.
Une heure plus tard, un camion se gare à côté du nôtre, c'est le fils de Christos et Katarina Etamos. Il nous invite un boire un coup, il est très amusé de nous trouver là, d' autant plus qu'il nous a déjà croisé deux fois sur la route. Il nous prend pour des fous et ne comprend vraiment pas pourquoi on fait tout ce trajet à pied. On lui fait remarquer que sans cela nous ne l'aurions pas rencontré. C'est désormais notre traditionnelle réponse, la seule qui met à chaque fois tout le monde d'accord. Ca ne l' empêche pas de nous dire « si un jour ma fille m'annonce qu'elle fait un truc pareil, je la zigouille.» On en vient à parler du modèle familial grecs, de la nécessité pour l'homme d'entretenir sa femme..., de l'importance de rester proche de ses parents ( depuis notre entrée dans le pays, plusieurs nous ont déjà demandé comment nous vivions la séparation avec nos parents....).  Bref c'est un modèle patriarcale traditionnel, un peu comme on l'a vu dans les balkans, à la différence qu'ici les femmes sont quand même invitées dans les conversations (après avoir tout de même préparé le café !). Cela reste certainement plus valable dans les zones rurales que nous traversons plutôt que dans les grandes villes.

On reprend la route un peu dans le jus, Benjamin à un rhume et cette semaine dans la pampa grecque nous a bien épuisé. on finit par arriver à Kavala via un ancien chemin de mules comme on en avait plus vu depuis l'Italie. Un vieux, hilare de savoir que nous venons de France à pied nous dit qu'il date de Megalou Alexandrou.

dimanche 11 novembre 2012

De Skopje (Macedoine) à Kerkini (Grece) - Euphorie hippie



Skopje est une ville extrêmement mal fichue pour les piétons mais a le mérite d'abriter un veritable bazar ou il est encore possible de trouver quelques trésors. Le tourisme n'en étant pour le moment qu'a ses balbutiements, pas de boutiques de faux bibelots balkaniques fabriques a Taiwan. On s'offre un petit tissu et Benjamin une chemise aux motifs traditionnels macedoniens. Il faut dire qu'après avoir visite la fantastique collection de vetements du musee ethnologique on est un peu eblouis par la richesse des influences et la variete que l'on trouve dans les textiles de la region.
Pour quitter Skopje nous sommes contraints de prendre un bus, en effet, il n'y a pas d'alternative aux 50km d'autoroute qui nous separent de la ville suivante. On a bien fait car seulement deux jours plus tard, a l'occasion de l'anniversaire de Tleytmess, on s'offre une bonne quinzaine de bornes sur la bande d'arret d'urgence de cette meme autoroute pour cause de route secondaire introuvable. Heureusement, c'est dimanche, il n'y a personne, a part un automobiliste debordant d'enthousiasme qui s'arrete au beau milieu de la double voie pour nous offrir de succulentes grenades, du raisin et de l'ail que Benjamin gobera illico presto en vue de tenter de remedier a de nouveaux problemes gastriques (il parait que ca desinfecte ...).

A Demir Kapija, alors que nous desesperons de trouver une chambre, Aaron, volontaire americain pour la municipalite nous tombe dessus et nous indique un super plan logement crado-deglingue pour pas un rond. Heureusement, car avec le vent qu'il fait, la tente ce serait probablement envolee. Autour d'une gigantesque et delicieuse salade (En Macedoine, meme les hommes les plus corpulents se nourrissent de kilos de verdure), Aaron nous explique ses projets pour developper le tourisme a Demir Kapija dont l'environnement naturel est propice a tout un tas d'activites sportives. Sa femme, Lori, quant a elle, enseigne l'anglais a l'ecole du village. Ils sont tous les deux très sympathiques et portent un intérêt sincère à la culture balkanique et macédonienne en particulier. Slave, un de leurs amis macédoniens, se joint à nous, il est passionné d' archéologie et d' histoire et connaît quelques anecdotes croustillantes : il y a quelques années des paysans macédoniens trouvent dans leur champ une caisse pleine de bouteilles de cognac oubliée par des soldats français lors de la première guerre mondiale. Rapidement la nouvelle se répand dans le milieux des spiritueux. Quand des collectionneurs fetichistes tentent de racheter le butin à prix d'or, les villageois ont déjà tout bu.  Dans les balkans l'alcool ne se collectionne pas, il se boit !

Par ailleurs Slave fait de la randonnée et connaît bien les chemins de la region sur lesquels on espère qu'il nous conduira peut etre un jour. Nous lui indiquons notre prochaine etape, ca tombe bien il a un ami a Udovo qui pourrait nous aider à trouver un hébergement pour la nuit. Trajce possède une exploitation agricole et nous propose de dormir dans une petite cabane qui nous convient parfaitement. Il nous offre un bon morceau de fromage et un énorme pot d'Ajvar (spécialité balkanique que chaque nation énonce comme lui étant propre, c'est une sorte de puree a base de poivrons et d'aubergines). Il nous parle des conditions de vie difficiles des macédoniens dont nous nous sommes fait une idee en traversant les campagnes. Le materiel agricole est sommaire voire totalement vetuste. La vie est rude et le travail de la terre se fait a l'ancienne. On croise souvent le long des routes des attelages ou de petites carrioles tirees par des anes malingres. A la difference des autres pays de l'ex-yougoslavie, la Macedoine reste tres isolee sur le plan economique et geographique, entourée de pays avec lesquels les relations ne sont pas très cordiales, voire franchement mauvaises, comme avec la Grèce qui ne reconnaît pas le nom de «macédoine». Depuis notre entree dans ce pays les gens nous évoquent aussi des accrochages reguliers et une tension palpable avec la population albanaise fortement présente dans le nord-ouest du pays, en particulier depuis la guerre au Kosovo (250 000 albanais du Kosovo ont trouve refuge en Macedoine, un certain nombre d'entre eux sont restes).

En route vers la Grèce nous tombons sur une joyeuse bande de cyclistes hippies : une ''rainbow caravane'' qui réunit une dizaine de ''zozos'' toutes nationalités confondues. Partis de Slovaquie, a l'occasion d'un grand rassemblement ''arc en ciel'', il se rendent en Israël. Dans la droite ligne du mouvement hippie la communaute raimbow est autosuffisante et partage des valeurs de tolerance et de decroissance. Ils ont eu l'autorisation d'installer leur campement pour quelques jours dans un splendide verger de grenadiers et nous invitent à les rejoindre. Nous partageons avec plaisir les 2kg d'Ajvar offerts part Trajce qui commencaient a peser lourd dans le sac de Benjamin. On profite ainsi d'une soirée feu de camp accompagnée d'un répertoire de chants d'amour de paix et de liberte. Ils nous concoctent une tambouille roborative dont nous avons bien besoin depuis deux jours qu'on ne se nourrissait que de pain et de fromages parfois douteux (les epiceries locales ne sont pas folichonnes). Alors que nous doutions un peu de notre capacité à continuer notre périple pédestre jusqu'à Istambul -les journées sont de plus en plus courtes et les nuits de plus en plus froides- la rencontre avec la tribu «rainbow» (et un coup d'oeil sur la météo des semaines à venir ) nous redonne confiance. Ca n'empêchera pas Tleytmess de choper un rhume qui nous oblige à faire une pause au chaud dans un pension grecque bien chaleureuse sur les rives du lac Kerkini ou nous pouvons tranquillement observer les pelicans que nous avions manque au Lac Skadar (Montenegro/Albanie).

samedi 10 novembre 2012

Un petit quelque chose pour les oreilles II


Dans l'immense maison ou nous sommes accueillis a Thet, en Albanie, nous nous rechauffons pres du feu ou deux dames discutent :


Alors que nous nous promenons sur la muraille qui surplombe la ville de Prizren (Kosovo), et qu'une pluie legere tombe, les muezzins de toutes les mosquee de la ville retentissent dans une effrayante cacophonie :


Dans un restaurant de Gjakova (Kosovo) passe de la musique traditionnelle albanaise. Il s'agit de Shkelzen Jetishi Xeni & Zejnel Doli. On avait trouvé un merveilleux clip tourné a Gjakova, malheureusement la vidéo n'est plus disponible.

A l'excellente auberge Shanti à Skopje, le réceptionniste écoute un groupe serbe un poil funky-deglingos, Kanda, Kodza i Nebojsa :

jeudi 1 novembre 2012

de Bajram Curry (Albanie) à Skopje (Macedoine) - Traversée du Kosovo



Nous quittons Bajram Curry et l'Albanie dans une drôle d'ambiance. Nous suivons une route défoncée qui traverse des champs jonchés d'ordures, la brume s'est installée dans la vallée, et ponctuellement, apparaissent des meutes fantomatiques de chiens errants. nous nous apprêtons à entrer  au Kosovo avec en tête le message qu'un jeune kosovar, élève d'une classe de Pau avec laquelle nous correspondons, nous a écrit : « là bas il y a de la neige qui tombe et il fait très froid. Et il ne faut faire confiance à personne. Il n’y a pas de sécurité. Il ne faut pas dormir n’importe où parce que il y a des chiens dans la rue sans leur maître. Aussi il faut faire attention dans la forêt parce que il y a des ours et des loups. Quand tu passeras mon pays peux tu me garder un peu de neige ? »
Histoire de compléter ce tableau enthousiasmant, la campagne albanaise est truffée de bunkers plus ou moins dégradés. ceux-ci ont été construits pendant la dictature communiste dans un grand délire paranoïaque d'Enver Hoxha, persuadé que tout le monde voulait envahir l'Albanie. Il y en a plus de 750000 à travers tout le pays, soit 1 bunker pour 4 albanais. Leur construction a coûté une fortune. Aujourd'hui, «les champignons de tonton Hoxha» font partie du patrimoine et certains sont réhabilités en lieu de stockage, bar, hôtel...

Notre courte traversée du sud kosovar nous donne l'occasion de decouvrir 2 villes qui nous ont bien plu. Gjakova et son immense bazar que nous visiterons dans le plus grand calme pour cause de jour férié : c'est Bajram (Aïd el kebir dans les balkans). Gjakova possède de très belles maisons de style ottoman, ainsi qu'une élégante mosquée devant laquelle traîne une ribambelle de gamins. Ils nous ont vu la veille lorsque nous avons traversé leur quartier, sorte de bidonville aux abords de Gjakova, quelques visages nous sont familiers. Nous avançons sous le porche de la mosquée où sont entreposées des peaux de moutons sanguinolentes, résultat des sacrifices de la veille. Un jeune homme nous explique qu'elles serviront à confectionner des tambours. Les enfants nous entourent, nous posent tout un tas de questions. Bien que leur vie soit de toute évidence assez modeste, nous ne sommes pour eux, ni portefeuille ambulant, ni bête de foire, mais amis, ce qui rend l'échange bien agréable.
A Prizren nous prenons le temps de faire un tour dans la ville qui regorge de bâtiments historiques: églises catholiques ou orthodoxes, mosquées, bains, maisons traditionnelles, fortifications. Nous y dormons dans un hôtel bon marché, city hostel. Le patron est curieux et avenant et nous discutons un bon moment avec lui, entre autre de la situation du pays.
Le Kosovo est peuplé à 80% d'Albanais, pour la plupart musulmans. La situation au nord du pays est encore tendue, la Serbie n'ayant toujours pas reconnu son indépendance. Un certain nombre de Serbes vivent sur le territoire, au nord, mais aussi dans des enclaves disséminées dont une que nous traversons au sud. C'est un épicier qui nous met la puce à l'oreille en s'adressant à nous en serbe. Il est très intéressé par la petite cloche que Benjamin a attaché sur son sac depuis la Slovenie pour prévenir les animaux, les ours en particuliers, de notre présence. Il est aussi berger et en aurait bien besoin pour l'une de ses bêtes. on lui offre de bon coeur, pour une fois qu'on peut faire un cadeau utile !
Quelques km plus loin, à Brezovica, on mange dans une petite auberge en présence de militaires américains de la Kfor (force armée de l'ONU chargée de maintenir la paix au Kosovo). Les types causent base-ball et littérature de guerre dans un américain chewing-gum du plus bel effet. Quant à nous, lorsque, par réflexe, nous employons notre faible vocabulaire albanais, le serveur nous fait gentiment comprendre qu'ici et dans la petite ville d'après il vaut mieux s'exprimer en serbe, autrement dit, pour ne vexer personne et en jargon de linguiste, en BCMS (bosniaque, croate, macedonnien montenegrin, serbe, slovène). ça nous arrange, depuis deux mois qu'on le baragouine on le maîtrise bien mieux que l'albanais que nous tentons de pratiquer depuis 15 jours seulement.
Différents indices permettent au marcheur de savoir s' il est dans une enclave serbe: la présence d'églises orthodoxes, de drapeaux, de plaques minéralogiques, de croix orthodoxes aux rétroviseurs des voitures et quelques graffitis du genre «Kosovo is Serbia».

La nuit tombée, vers 5h (foutu changement d' heure) nous arrivons à Brod, un petit village dont on ne sait s'il est peuplé de serbes ou d'albanais (aucun indice flagrant). Un peu hésitants, on se décide a frapper à la porte d'une maison pour demander l'autorisation de camper dans le champ voisin (en anglais c'est plus prudent...). Un jeune homme nous ouvre, accompagné d'une petite fille. Il envoie celle-ci chercher un monsieur et une dame suivis d'un petit garçon, puis d'une femme portant un bébé. Tout ce petit monde s'agite sur le perron, on saisi au vol quelques mots d'albanais et on comprend qu'ils n'ont aucunement l'intention de nous laisser dormir dans la tente avec le froid qu'il fait. En deux temps trois mouvements l'intégralité de la famille nous escorte dans une maison annexe dans laquelle nous sommes invités à dîner et à dormir. Depuis le début de notre périple, on reste épaté par la manière et la rapidité avec laquelle les gens qui nous offrent l' hospitalité interrompent leurs activités pour se mettre à notre entière disposition. Après un délicieux dîner c'est à nouveau suivi du cortège familial que nous allons sur internet pour discuter via msn avec Hesat, leur fils qui a une trentaine d'années. Il s'est installé en France pendant la guerre alors que ses parents sont restés cachés dans leur maison brûlée par l'armée serbe. Puis, à la fin du conflit, son père s'est chargé lui-même de déminer, sans le moindre équipement, le champ autour de chez lui. cela ne l'empêche pas aujourd'hui d'avoir en continue le sourire aux lèvres et de dégager, lui et sa femme, quelque chose de très chaleureux et jovial que nous avons profondément apprécié.

A la frontière macédonienne, nous nous retournons pour dire au-revoir au Kosovo, une neige légère est tombée sur les hauteurs et nous fait comprendre qu'il ne faut pas traîner pour relier la côte grecque et profiter, espérons le, encore un peu de la douceur du climat méditerranéen.

mercredi 24 octobre 2012

De Vranj [Montenegro] à Bajram Curri [Albanie] - Douche écossaise albanaise



Chaque km qui nous rapproche de la frontière albanaise voit s'intensifier la présence de vieilles Mercedes pleines à craquer de passagers qui ont l'air de faire salon, quand ce n'est pas le cas, elles s'arrêtent pour nous proposer de nous embarquer. Les intérieurs sont cosy, tapis, moumoutes leopard..., quant aux carosseries, les coloris ont un air désuet de tapisseries années 70: vert pate d'amande, marron caramel, rouge framboise, beige creme anglaise ou orange carotte...etc. Nous passons la frontiere entre les chèvres qui crapahutent autour de la douane sans papier.

Un peu plus loin, aux abords d'un village, alors qu'on fait une pause, trois marioles de 13/14 ans a tout casser conduisent une BMW rutilante et s'arrêtent à notre hauteur. L'un d'entre eux descend et demande de l'argent "money, money, money". Nous lui demandons pour quoi faire ? Il ne répond pas tandis que dans la voiture ses deux camarades font mine de nous pointer avec ce qui semble bien être un vrai fusil. Devant l'impassibilité de Benjamin qui continue à remplir sa gourde, ils font demi tour en rigolant. 200 metres plus loin alors que nous reprenons la marche, un gamin du même âge court nous rejoindre pour nous proposer gentiment de l'eau ...
Après ces premiers contacts albanais sous forme de douche ecossaise, nous tombons sur un père qui promène ses deux enfants dans une brouette. Il parle allemand. Lorsque nous lui indiquons notre destination du lendemain, il nous propose tout de suite un raccourci qui part juste derrière chez lui. Il s'agit de l'économie d'une bonne quinzaine de kms et il a la gentillesse de nous loger gratuitement dans la maison de vacances de sa cousine qui vit en Grèce. C'est l'occasion de rencontrer Suada, sa nièce, une adorable adolescente de 17 ans qui parle un très bon anglais et rêve de devenir infirmière. La famille d'une grande douceur et le sourire bienveillant de Suada nous font bien vite oublier la désagréable rencontre de l'après-midi. Ils nous donnent de précieuses informations, notamment sur les possibilités de ravitaillement [aucune] qui nous seront bien utiles pour organiser notre traversée des Alpes albanaises.

Nous y passons quatre jours sous un ciel radieux seuls dans les montagnes et les forêts rougeoyantes . Les habitants de ces vallées enchanteresses sont peu nombreux mais font vivre intensément les lieux. Des bergères tricotent des chaussettes en gardant leurs troupeaux, de la fumée s'échappe des rares maisons disséminées entre les cultures et il n'est pas rare de tomber sur un cochon, une vache ou quelques chèvres au detour d'un chemin. Le point d'orgue de cette traversée est notre passage à Theth, petit village planté au coeur d'un cirque spectaculaire et quasi-inaccessible. Nous y dormons chez trois dames bien rigolotes dorlotés par une mamie qui s'enfile du rakia. Nous profitons de la chaleur apaisante du feu de cheminée qui crépite tandis que nous jouons avec le chat de la maison.
À la sortie des montagnes, bien éprouvés par les nombreux dénivelés de cette fantastique randonnée, nous faisons une journée de pause à Bajram Curri, petite ville campagnarde albanaise où cohabitent logements collectifs déglingués, corps de ferme vernaculaires, internets cafés et vaches en liberté circulant entre les mercedes et broutant trois radis entre des sacs plastiques.

De Dubrovnik a Vranj [Montenegro] - Entre deux averses



Tleytmess a attrapé un rhume on ne sait trop où (elle est probablement allergique aux pauses), et l'idée de passer un jour de plus en famille est tentante, nous décidons de nous épargner la sortie de Dubrovnik par la route et embarquons sur un bateau en direction du petit port de Cavtat.
Comme lorsque nous avions quitté Klevonica, la Bura (vent du nord) a soufflé pendant la nuit qui précède notre départ. Le ciel est limpide, les reliefs des montagnes ciselés et la mer d'un bleu profond. Notre petit chemin longe la côte dans la campagne. Bruyères mauves et bruyères blanches s'alternent entre les caillasses, les arbousiers et les rhododendrons. Des armées de cyprès d'une verticalité presque autoritaire se dressent dans les collines comme un bataillon de soldats.
On passe la douane pour le Montenegro sans encombre (la route est en travaux, ce qui réduit considérablement la circulation), puis arrivons rapidement sur la baie de Kotor que nous longeons ensuite pendant une bonne trentaine de bornes. Les montagnes plongent littéralement dans l' eau et les petits villages que nous traversons sont tous plus ravissants les uns que les autres. Un matin, alors que nous observons deux zodiacs qui font de drôles de manoeuvres nous comprenons qu'ils s'amusent avec un dauphin dont nous apercevons furtivement l'aileron.

Deux jours de pluie continue nous retiennent a Kotor, superbe petit port fortifié au pied d un enorme piton rocheux. Nous profitons d une relative accalmie pour emprunter les lacets qui montent au dessus de la muraille et nous menent a l entree du parc national de Lovcen. Le temps restant incertain, nous traversons celui-ci dans la foulee et arrivons de nuit a Cetinje. A nouveau bloqués par la pluie, c est sous nos kways que nous decouvrons le célèbre parcours architectural de l'ancienne capitale montenegrine jalonné de différentes ambassades du début du siècle, de quelques musées et d'un monastère abritant une ravissante petite église orthodoxe.
Nous poursuivons notre chemin vers Rijeka Crnojevica ou nous avons juste le temps de trouver une chambre dans une maison de pêcheur avant qu un deluge s'abatte sur la region. Nous sommes bien contents de ne pas être sous notre tente. Le lendemain, un temps radieux et Guillaume, cycliste francais jovial, nous accompagnent une bonne partie du chemin qui nous mène a Virpazar a travers le parc national du lac Skadar [une des plus grande réserve ornithologique d europe]. Le lac, ses zones marécageuses et les montagnes poilues qui semblent flotter dessus, composent une carte postale tres singulière. Nous n'aurons pas la chance de voir les fameux pélicans qui y vivent [symbole du parc national de Skadar], par contre nous avons croise plusieurs gros serpents et un matin un pêcheur - patron du bar dans lequel nous prenons un café - deboule avec une carpe géante qu'il brandit fierement a ses clients avant de l'expédier en cuisine pour la soupe du soir.
On continue notre tour du lac Skadar par le nord en direction de la frontière albanaise. A l approche du village de Vranj on se fait inviter a boire un verre de rouge par Dejan qui nous parle dans sa langue avec un enthousiasme et une énergie debordante. Le résultat reste cependant limite, on ne comprend pas grand chose si ce n est qu il nous déconseille d'aller au Kosovo. Son copain Goran fait allusion au fait qu ils y ont combattu [on suppose vu le malaise, au service de l'armer serbe contre les indépendantistes albanais du Kosovo...]. Dejan esquive le sujet et nous maintient qu il ne faut pas s' y rendre.
La nuit tombe, nous accélérons le pas. A peine entrons-nous dans le village de Vranj qu'une dame nous interroge [notre nationalite et notre direction comme toujours] et nous accompagne. Plus loin un jeune homme veut lui aussi nous indiquer le chemin a suivre jusqu'au prochain village et ne resiste pas, en passant devant le bar, à informer tout le monde de notre présence. Aussitot nous sommes pris d assaut. Tandis que deux d'entre eux dessinent à Tleytmess la route a suivre, un autre nous propose de nous amener en voiture à la frontière albanaise et le dernier tend a Benjamin son téléphone portable.. en ligne son cousin qui parle parfaitement francais et qui s'assure que nous n' avons besoin de rien. La scène est cocasse, tous ces gens sont gentils, attentionnés et curieux même s'ils n' écoutent rien de ce qu'on leur dit. Trop occupés qu'ils sont à être le plus serviable possible, ils ignorent totalement le fait que nous possédons une carte assez précise de la région et que nous ne sommes pas du tout perdus [ce qu on s' évertue à leur expliquer depuis une demi-heure...]. On parvient finalement a se dépêtrer de ce joyeux tohu-bohu, se demandant si l'extrême prévenance de ces gens est dûe à leur religion musulmane et a sa notoire tradition de l'accueil [Vranj est le seul village de la région à posseder une mosquée] ou bien a leur probable origine albanaise [peuple réputé pour être des plus accueillant].

dimanche 7 octobre 2012

Un petit quelque chose pour les oreilles

Depuis la Slovenie nous nous sommes mis a collecter quelques sons que nous avions envie de partager. En voici une petite selection a ecouter, que vous pourrez retrouver dans les posts correspondants.

> Dans un camping, en Slovenie, un Tcheque chante Folsom Prison de Johnny Cash dans sa langue :


> A Jajce, Bosnie et Herzegovine, Benjamin se fait couper les cheveux chez un vieux coiffeur qui ecoute une radio folklorique :


> A Jajce toujours, l'appel a la priere du Muezzin se mele au chant des oiseaux :


 > A Sarajevo, au restaurant Kibe, deux vieux musiciens chantent a notre table :


> Sur l'ile de Lokrum, en face de Dubrovnik en Croatie, un groupe de personnes pic nique chante joyeusement :


> Dans un restaurant de Mostar, Benjamin se renseigne sur la musique qui passe, il s'agit d'Indexi, un groupe d'ex-Yougoslavie. Face a notre enthousiasme, le patron nous offre le disque.

De Mostar (BiH) à Dubrovnik (Croatie) - Cuisine bosnienne et retrouvailles




Nous profitons de notre pause à Mostar pour nous rendre à Blagaj, une petite commune des environs où se trouve la maison des derviches et surtout une maison musée ottomane récemment ouverte par Semir. Après une visite passionante dans un français parfait (il a étudié dans la Drome pendant la guerre), il nous offre un café et nous prolongeons la discussion dans le patio de la maison, un petit havre de paix. Semir est très optimiste quant à l'avenir de son pays, beaucoup de jeunes ont profité de la guerre pour partir (apprendre d'autres langues, se confronter à d'autres cultures, se former etc...), ils sont maintenant de retour avec de l'energie à revendre pour mener des projets en Bosnie. Il nous fait aussi gentiment comprendre qu'il y a des subtilités moins évidentes que la classification Serbe = Orthodoxe, Bosniaque = Musulman et Croate = Catholique. Ce n'est toutefois pas l'impression que nous aurons lors de nos derniers jours en Bosnie.

Nous traversons le sud de l'Herzegovine ( à dominante croate), passons à quelques kilomètres de Medugorje (le Lourdes local) et arrivons pour notre première nuit après Mostar, dans un village où se trouve un monastère. On rêve d'un accueil chaleureux digne de celui réservé aux pèlerins dans les meilleurs récits bibliques. Les deux premiers habitants auxquels nous nous adressons pour trouver un emplacement nous indiquent des endroits parfaitement impraticables, le troisième, un jeune arrosant ses fleurs, a pour seule réponse qu'il va faire froid et désigne vaguement l'endroit d'oy l'on vient pour nous faire comprendre que «par là» ça doit se trouver. C'est finalement une famille en plein atelier confection de crucifix (il y en a une vingtaine taillés grossièrement dans du bois qui pendent de la pergola) qui accepte sans grand enthousiasme que nous mettions la tente dans le pré qui leur appartient. Le lendemain, tandis que l'on démonte la tente, la mère nous observe du perron de sa maison: «dovidenja, dovidenja» (aurevoir). Le lendemain, dans une vallée truffée d'églises ce sera le même scénario. A l'évidence ce n'est pas ceux qui affichent le plus clairement leurs convictions qui en appliquent au mieux certains préceptes...
Si notre entrée en Bosnie fut accompagner par le chant des muezzins, notre sortie se fait au son des cloches. Nous sommes ici en terre catholique et croate. Au rétro des voitures se balancent des chapelets (une auto sur deux, on a compté !), et au fronton des mairies des drapeaux croates, quand aux indications en cyrillique elles sont systématiquement vandalisées.
A réfléchir à ce qui pourrait fédérer les Bosniens au delà des différentes appartenances, nous avons tout de suite pensé à la gastronomie. Cevapi (petites saucisses sautées servies dans une pita avec oignons crus et fromage frais) et bureks (feuilletés fourrés à la viande) sont inévitables sur l'intégralité du territoire. Et tant qu'on y est, et comme promis causons bouffe:
Nous avons découvert en Bosnie;
- Klepe de Sarajevo (raviolis farcis à l'oignon dans une sorte de crème fraîche épaisse)
- Japrak (feuilles de vigne farcies)
- Dolma (petits légumes farcis avec du riz)
- Boza (boisson d'Asie centrale au germe de blé)
- Pstrmka (truite grillée en rayon ds toutes les bonnes rivières bosniaques)
- Tufahija (poire au sirop fourrées aux noix)
- Et tout un tas de viandes grillées, rôties et en sauce cuites à la perfection.

Nous sommes maintenant de retour en Croatie, et même si les paysages rappellent ceux que nous avions traversé il y a un mois (en moins sec), le sentiment national et l'appartenance religieuse sont beaucoup plus affirmés ici. Croix et drapeaux ont clairement la même fonction: marquer le territoire. Nous voyons régulièrement des gens se signer avant de monter dans leur voiture. Vu le nombre de plaques commémoratives qui ornent le bord des routes, on pense qu'ils feraient mieux d'attacher leur ceinture plutôt que de s'en remettre à dieu.
Tout ceci nous amène à nous faire une idée un peu caricaturale des croates catholiques de la région. Heureusement l'accueil sympathique qui nous est réservé à Mislina vient briser notre schéma simpliste. Après s'être fait offrir deux verres de rakja par une famille mixte serbo-croate à l'entrée du village nous tombons sur Stana et Petar à qui l'on s'adresse en vue de trouver un emplacement pour la tente (entre les zones marécageuses, les flancs de montagnes caillouteux et les cultures, ce n'est pas évident). Stana prend Tleytmess par le bras, la fait montrer à l'étage de sa maison pour lui montrer une chambre toute neuve: elle nous invite. Pendant ce temps Benjamin s'est fait kidnapper par Petar et boit un coup dans le salon. Stana embarque ensuite Tleytmess pour une petite visite du village et de sa collection de napperons. On comprend vite qu'il y a les affaires de femmes et celles des hommes (et ça aussi d'ailleurs c'est un point qui uni croates, bosniaques et serbes, et pas seulement chez l'ancienne génération).

Comme lorsque nous longions la partie nord de la côte croate avant d'entrer en Bosnie, nous tentons de rester à distance du bord de mer, de la route côtière, de ses bus, de ses camions, de ses camping car, mais aussi de ses cyclistes dont on aimerait comprendre le choix de l'itinéraire. Probablement vont ils encore un peu trop vite pour prendre le temps de réfléchir à un parcours plus judicieux. En effet, les alternatives en hauteur offrent non seulement une vue splendide sur la mer et les îles, mais également la possibilité de découvrir de petites vallées luxuriantes. Vignes, figuiers, mandariniers, grenadiers, poussent dans cet environnement calme et paisible. De temps en temps on entend tinter une coche, c'est une chèvre où une vache planquée à l'ombre des broussailles.

C'est une autre ambiance qui nous attend à Dubrovnik où des hordes de touristes arpentent le rue principale. Mais comme d'habitude, quelques pas dans les rues adjacentes et on se retrouve seul, où plutôt en famille, puisque la mère, la tante et la soeur de Tleytmess sont venues nous rendre visite.


En bonus pour les oreilles :
Sur l'ile de Lokrum, en face de Dubrovnik en Croatie, un groupe de personnes pic nique chante joyeusement :

mercredi 26 septembre 2012

De Jajce à Mostar - Humour croato-bosniaque




Après avoir visité jajce sous la pluie et envoyé Benjamin chez un frizerski (coiffeur)qui pourrait faire fortune s'il s'installait chez les bobo-rétros du marais, nous reprenons notre route en direction de Mostar, le long des rives de la Vrbas.
Entre 2 passages de bus eurolines s'impose une quiétude toute campagnarde. les villageois s'affairent à moultes activités de saison: cueillette de pommes, ramassage de choux et de patates, abattage de bois pour l'hiver et confection de marmelade cuite au chaudron. Toutes ces scènes qui passent inaperçues aux yeux des automobilistes nous laissent rêveurs et un brin envieux de certains savoir-faire fondamentaux qu'on n'apprend pas en fac d'histoire de l'art. Finalement, nous qui aspirons à une vie simple, nous en sommes encore loin. Quoi que nous sommes assez fiers d'être récemment parvenus à faire nos pâtes au feu de bois... un pas de plus vers l'autonomie ! 
Lors d'un pic-nic au bord de la Vrbas, 2 petits chenapants d'une huitaine d'années, quelque peu désoeuvrés, nous tiennent compagnie. Tleytmess leur montre l'usage des bâtons, ça les amuse beaucoup. Un moment d'inattention et ils nous chippent notre sac poubelle et le jettent à la rivière malgré nos protestations. On comprend mieux pourquoi les cours d'eau sont jonchés de déchets dans leurs moindres méandres. En même temps on ne peut pas trop leur en vouloir, dans les villages il n'y a pas de ramassage des ordures (il faut parfois faire plus de 40km pour aller les déposer), et quand il y en a on est en droit de se demander ce qu ils en font : les nombreuses décharges que nous croisons en pleine nature semblent bien organisées...  Enfin, tous comptes faits, vu le peu d'industries et leur niveau de vie, les Bosniens peuvent encore balancer pas mal de sacs plastiques dans la nature avant de parvenir au bilan carbone d'un français moyen.
Huit degrés celsius dans la vue, des figuiers, des grenadiers, des reliefs nettement plus prononcés et des flopées de crucifix accompagnent notre entrée en Herzegovine, dernier kanton bosniaque que nous traversons. En plus de son climat méditerranéen, celui-ci a la particularité de regrouper une bonne partie des Croates catholiques de Bosnie. A Prozor, premier village sur lequel nous tombons après notre entrée dans ce kanton, nous sommes frappés par la présence cumulée de croix sur les montagnes alentours, de crucifix sur les façades des maisons, de chapelets aux rétroviseurs des voitures... Quant à la famille qui gentiment nous invite à déguster un burek maison, elle se signe avant de passer à table.
Ainsi, à mesure que nous progressons en Bosnie, nous comprenons qu'au-delà du découpage régional il y a souvent des dominantes communautaires propres à chaque municipalité. Comme nous l'explique un habitant de Gornji Vakuf qui parle très bien français (son père a enseigné à l'universite du Mirail à toulouse pendant la guerre), sa ville est scindée en deux quartiers : « la rue principale ici c'est le mur de Berlin invisible. »
Heureusement ce n'est pas le cas partout, à l'approche de Mostar, nous sommes accueillis par une famille croate catholique adorable qui vit en bonne entente avec ses voisins serbes et musulmans. Le soir, autour de truites fraîchement pêchées, d'alcool de raisins et de jus de cerises maison, ils nous balancent quelques bonnes répliques qu'on vous livre ici sans détours :
« ici, tout le monde s'entend bien tant qu'il n'y a pas la guerre.»
«Pour faire court, à Mostar, au début de la guerre c'était les Croates et les Musulmans contre les Serbes, puis, quand ces derniers se sont retirés, il fallait trouver un ennemi alors les Croates et les Musulmans se sont mis sur la gueule.»
« Ici tout le monde produit son alcool maison (rakia, Benjamin connaît bien), en Croatie aussi, alors ils sont bien emmerdés parce qu'avec l'entrée dans l'UE et l'application des lois européennes ce sera interdit.»
«Quand l'équipe de foot de Bosnie joue contre la Croatie, en tant que Croate de Bosnie on ne sait pas trop qui soutenir.»
«les vieilles personnes sont souvent nostalgiques de l'époque de Tito, elles se trompent, elles sont justes nostalgiques de leur jeunesse.» Ces discussions avec les locaux alimentent les nôtres en chemin. On compte bien se plonger dans quelques bouquins sur le sujet à notre retour pour approfondir ces problématiques, aussi complexes, bêtes et méchantes qu'une guerre peut l'être.

PS: Ah oui dernière anecdote au sujet des rapports Croates/Musulmans a Mostar. Nous avons eu du mal a trouver la poste centrale puisque chaque communauté considère que la sienne est la principale sans même evoquer la présence d'une deuxieme poste toute aussi importante... Donc pour aller chercher un colis en poste restante ça peut être un peu compliqué. La ville est clairement divisée en deux partie: l'une catholique (croate donc) et l'autre musulmane (bosniaque).


En bonus pour les oreilles:
> A Jajce, Benjamin se fait couper les cheveux chez un vieux coiffeur qui ecoute une radio folklorique :

> A Jajce toujours, l'appel a la priere du Muezzin se mele au chant des oiseaux :

mercredi 19 septembre 2012

un crochet à Sarajevo




On profite de l'annonce de trois jours de temps foireux pour sauter dans un bus et aller visiter Sarajevo qui n' est pas prévu sur notre trajet pédestre. Nous avons adoré. Chaque bâtiment, chaque coin de rue témoigne modestement de l'histoire alambiquée et de la macédoine culturelle dont cette ville est le résultat et sur lequel nous n'allons pas risquer de nous attarder ici. Pour en parler il faudrait y habiter depuis longtemps comme c'est le cas de claire et pierre dont une amie nous a donné le contact. Les discussions que nous avons avec eux, en plus d'être bien sympathiques, nous éclairent sur quelques points :
- comment commander un café allongé : produjžena (littéralement: de gonzesse)
- la différence entre bosnien (habitant de bosnie) et bosniaque (musulman de bosnie) 
- L' alternance de trois présidents  (croate, serbe, bosniaque) à la tête de la Bosnie
- et enfin quelques infos sur la municipalité de Sarajevo qui est dirigée par des musulmans modérés qui luttent, entre autres choses, contre l'implantation d'Imams radicaux parachutés par les Émirats en échange de la retape des mosqués et de la construction d'écoles. Ainsi, à grands coups de dollars, les fondamentalistes comptent bien remettre les musulmans de bosnie dans le droit chemin de l'intégrisme. vue l'addiction à l'alcool et à la clope de ces derniers, on leur souhaite bien du courage et on espère bien que l'islam modéré et tolérant propre à la Bosnie se maintiendra.
Enfin, cette amie qui a habité à Sarajevo nous conseille un restaurant imparable que nous conseillons à notre tour : Kibe. La vue, la déco, la musique, le service sont impeccables, quant à la nourriture, délicieuse et raffinée, elle est la preuve que les bosniens savent cuisiner autres choses que des bureks. on fera un point recap sur la gastronomie locale à l'occasion de notre sortie du pays, on a découvert plein de trucs supers et là encore c'est dans ce domaine que notre vocabulaire s'est le plus enrichi.


En bonus pour les oreilles :
Au restaurant Kibe, deux vieux musiciens chantent a notre table :

vendredi 14 septembre 2012

De Bihać a Jajce - Buffalo Bill musulman


Trois jours de repos a Bihać permettent a Benjamin de se remettre de ses tracas intestinaux. Nous en profitons pour nous renseigner sur le Parc National Una que nous comptons traverser. Ce parc a été tout récemment créé, la saison s'acheve, aussi nous sommes les seuls touristes. Le calme ahurissant et le temps brumeux confèrent à l'endroit une atmosphere bien particuliere qui nous fait penser au film Stalker de Tarkovsky. Nous marchons le long de la rivière Una, frontière naturelle croato-bosniaque, sur l'autre rive file la ligne desaffectée de l'ancien chemin de fer qui reliait Stuttgart à Splitt au temps de la Yougoslavie. Nous passons deux nuits dans le parc. La première chez Šefik qui, face au developpement (modeste) du tourisme lié à la création du parc, accueille volontiers les campeurs au milieu de ses pruniers. La seconde à Martin Brod où les seuls autres campeurs sont un sympathique couple de savoyards. Nous visitons les chutes d'eau ensemble et ils nous invitent très spontanement à diner avec eux. Catherine et Bernard improvisent leurs vacances en camping-car en privilégiant les espaces discrets et peu frequentés. Cette approche libre et decontractée du tourisme nous parle evidemment.Bernard, alors qu'il avait notre âge, est parti un an au Guatemala faire de la spéléo et découvrir tout un tas de lieux incroyables (rivière souterraine, cité oubliée et peintures rupestres). Catherine agrémente cette discussion d'une délicieuse tomme crayeuse et d'une infusion de vulnéraire (cueillie par leurs soins dans le massif de la chartreuse) qui mettra un terme aux problèmes gastriques de Benjamin.

Parmi les quelques Francais que nous avons croisés depuis notre départ :

- Bastien, (rencontré dans un camping en Lombardie) fait un Aller/retour a Istambul à vélo depuis Briancon

- Yaya le Breton (rencontré dans un bar perdu avant la douane bosnienne) revient de Turquie en stop apres s'y être rendu en vélo le long du Danube

- Stéphanie Maillard que nous ne pouvons qu'imaginer après avoir lu son adresse sur un petit papier conservé précieusement par une mamie dans un village bosniaque. On a cru comprendre qu'elle traversait la Bosnie à cheval


Arrivés à Drvar, après maintes hésitations, nous décidons de remonter vers le nord pour récupérer la route principale qui mene à Mostar. Pas que nous apprécions spécialement la compagnie des voitures, mais la présence des mines nous contraint de toutes facons à rester sur les routes, et la Bosnie étant à peu près aussi densément peuplée que la Lozère, le ravitaillement se serait avéré compliqué, voire impossible en empruntant les routes secondaires.

Cette décision prise, nous devons refaire en sens inverse 5 km que nous avons fait la veille. Nous nous autorisons alors un peu de stop. C'est une 4L bringuebalante qui finit par s'arrêter. Le papi qui la conduit fume comme un pompier, braille tout un tas de trucs en bosniaque dont nous ne saisissons que des bribes, et sort de sa boite à gants une fiole de gnole qui réveille l'estomac de Benjamin dès 9h du matin. Vers midi, c'est Bernard et Catherine, les francais de Martin Brod, qui nous doublent dans la montée et nous attendent au tournant. L'invitation pour un thé se termine en repas...etc...etc

Deux jours plus tard, alors que nous passons devant le cimetière de Kapljuh où des types sont en train de creuser une tombe, l'un d'entre eux descend énergiquement à notre rencontre. Il bricole un mini bar au cul de sa voiture, au programme: bières, cigarettes et alcool de prune, il est 11h du matin ! Millo est agité, curieux et avide de conversation. Frustrés par la barrière de la langue, nous ne tardons pas à sortir nos carnets qui comportent des dessins et surtout une traduction en bosniaque des motivations de notre voyage à pied. Il est ravi de nous lire. Alors que nous regardons la carte et que nous énumérons les pays que nous comptons traverser, il corrige lorsque nous nommons le Kosovo par la Serbie. Ok... Il est lui même Serbe orthodoxe et nous fait un bref résumé du découpage des Balkans et des tendances identitaires et religieuses de chacune de ses régions. Nous le quittons après avoir tenté de refuser à plusieurs reprises qu'il remplisse l'une de nos gourdes d'alcool de prune, en vain...

Quelques kms plus loin, après avoir vidé la prune dans un fosse (on ne pouvait pas raisonnablement s'enfiler 1 demi litre de gnole a 10h du mat) nous demandons de l'eau à un adorable couple de petits vieux qui nous invitent aussitot à nous asseoir. Un café turc et un sirop de citron plus tard c'est notre ami Millo qui surgit comme par magie de derrière la maison. Après s'être décapsulé une nouvelle bière, il nous explique en riant que nous sommes chez son oncle et sa tante. Ces derniers nous proposent de dormir chez eux. Il est encore tôt et nous expliquons que nous envisageons de marcher jusqu'à Bravsko. "la ville des terroristes" selon Millo qui s'empresse d'ajouter que le village suivant n'est pas mieux car en plus des terroristes il abrite de dangereux criminels. Il a le sourire aux lèvres, l'humour douteux et plus de 3g d'alcool dans le sang, nous ne le prenons pas au sérieux et nous avons bien raison car les aimables personnes qui nous indiquent un endroit où poser notre tente à Bravsko n'ont pas l'air bien méchantes mais plutot de sortir tout droit d'un film de Kusturica.  

Les paysages de cette partie de la Bosnie sont incroyablement paisibles, d'un calme qui semble immuable, comment imaginer la guerre ici ? Des prairies amandes creusées de dolines d'un vert chatoyant, des pruniers de ci de là, quelques sapins, une vache...


La route est finalement assez calme, nous pensons avoir fait le bon choix. Sur notre chemin, Ivan et Dragana nous invitent dans leur jardin à boire un jus de prune. Nous baragouinons quelques questions en bosniaque sur leurs activites agricoles, leur élevage, leur production de fromage; ils nous en offrent une pleine assiette et une demi tomme à mettre dans notre sac. Le mari a l'air un peu triste et renfrogné alors que sa femme virevolte en tous sens avec le sourire. Il en profite pour lui donner toutes sortes d'instructions: "Offre leurs du fromage", "va chercher mes lunettes", "détache le chien". Bref, elle est en activité permanente, il ne faudra pas s'étonner si à terme elle vit 20 ans de plus que lui...Dans la série accueil paysan, deux jours plus tard, nous nous faisons cueillir à la sortie de la tente par un couple d'agriculteurs qui, après nous avoir offert un café bosniaque, nous fait cadeau d'un bon morceau de viande fumée. Le mari qui a travaillé en Autriche pendant 20 ans ne cessera de dire a Benjamin qu'il ne pige rien à l'allemand. Il faut préciser qu'il avait un foutu accent autrichien et un débit de parole pas pique des hannetons.

En approchant de Jajce et de ses lacs, les reliefs s'intensifient tandis que les forêts s'epaississent. Les montagnes ont des allures de gros nounours poilus. Dans le bar-cahute de Jezero, Rusmir et Biljana déconnent joyeusement alors que nous cherchons un coin ou camper. Rusmir nous interpelle tout de suite en allemand et nous offre un verre. Nous passons la soirée avec eux, leur compagnie est réjouissante d'autant plus qu'ils saisissent assez finement les motivations et les bénéfices de notre projet. Rusmir nous complimente sur notre choix de vie: "Vous avez compris a 30 ans, ce que beaucoup de gens ne comprennent qu'à la fin de leur vie: l'essentiel est de prendre son temps et de vivre simplement". On lui rappelle que malheureusement ce mode de vie a un terme pour nous. Comme beaucoup de Bosniaques avec qui nous avons échangé, Rusmir est parti travailler à l'etranger avant de revenir passer sa retraite ici. Il a été camionneur pour une compagnie de transports suisse pendant 20 ans. Ce musulman aux allures de Buffalo Bill a roulé sa bosse à travers toute l'Europe et compte bien nous faire découvrir les merveilles de sa ville: "De toute facon avec la pluie qui va tomber demain, vous ne risquez pas de marcher les enfants". Le lendemain matin des 8h il est au rendez-vous et nous embarque sous la pluie battante dans sa voiture pour nous faire découvrir, sa maison retapée par ses soins, sa collection de chiens (Golden retriever et St Bernard), son verger (pour le fameux alcool de prune), un point de vue imprenable sur le lac et les fameuses cascades de Jajce.

lundi 3 septembre 2012

De Klevonica (Croatie) à Bihac (BiH) - Grand coup de Bura



C'est une riche idée que nous avons eu de nous arrêter à Klevonica. Le deuxième jour, après une séance de dos crawlé dans la mer au petit matin, un orage éclate, suivi d'un vent à décorner les cocus. Après une discussion avec notre très sympathique logeuse nous apprenons :
- Que ce vent violent s'appelle la Bura, qu'il vient du nord, apporte de la fraîcheur et du beau temps. On comprend mieux pourquoi ici les tuiles sont collées avec du plâtre.
- Que la crique par laquelle nous sommes arrivés à pieds bénéficie d'un apport continue d'eau potable qui descend des montagnes. Cela explique la fine couche
d'eau fraîche que nous sentions en surface lors de nos baignades.
Le lendemain, la Bura a bien fait son boulot : la visibilité est excellente. Cela tombe bien puisque nous empruntons une petite piste qui nous monte en altitude et nous fera bénéficier d'une vue panoramique sur la côte. Pas un village sur notre chemin, encore moins de voitures. Le calme est sidérant. Nous évoluons sur des collines d'herbes rases parsemées de sapins. Les masses rocheuses ocres des îles se découpent sur un mer encre qui scintille de mille reflets.
Passé le col de Vratnik, nous basculons dans une ambiance champêtre surannée.
De vieilles granges bardées de bois et entourées de fragiles clôtures sont dispersées dans la rase campagne. Des poteaux téléphoniques grossièrement taillés longent la route qui sinue insensiblement entre les collines et les champs de patates. La famille Ingalls n'est pas loin. Nous arrivons dans la petite ville d'Otocac fatigués mais bien décidés à trouver un emplacement pour la tente. Après deux tentatives infructueuses (notre croate est assez incompréhensible sans doute), nous tombons sur Krešimir, un prof d'école élémentaire, guide touristique, assez sportif (escalade et randonnée) et très sympathique. Il nous accueille dans son jardin entre le potager, le poulailler et quelques arbres fruitiers. Krešimir est très à l'écoute, nous échangeons sur la pratique de la marche et de l'escalade. Après avoir jeté un coup d'oeil sur notre carte il nous donne quelques conseils parmi lesquel celui de ne pas sortir des routes. Ici la guerre a fait des ravages et certaines zones sont encore minées. Le lendemain matin, au décollage, en rangeant ses affaires, Tleytmess se coince un nerf en bas du dos. On saute sur cette défaillance pour prendre une chambre à la déco rétro-classieuse et au prix modique, ça tombe bien cette ville nous plaît bien. En se baladant dans le centre, on comprend vite que l'ambiance y était certainement moins paisible il y a 20 ans quand les balles ont impactées les façades de la plupart des maisons. La guerre reste pour nous très abstraite, ici les murs en portent la mémoire, les gens aussi certainement. A la sortie du village de Babin Potoc, les montagnes se font plus hautes et se couvrent de sapins d'un vert intense, l'air est humide, nous approchons du parc de Plitvice et de ses célèbres lacs et cascades en escaliers. Nous y accédons par un chemin qui nous propulse directement au coeur de ce bouillonnement touristique sans même que nous aillons à passer par la billetterie. Le site est effectivement sublime et très bien aménagé, mais, une fois de plus, avec nos sacs, le déplacement est parfois fastidieux et éreintant.

Après une journée bloqués par une pluie torrentielle (des inondations a travers toute la Croatie) à côté de Plitvice, nous passons la frontière bosniaque et basculons dans une nouvelle ambiance. Minaret, appels à la priere et barbecues accompagnent notre avancée vers Bihać où nous allons faire une pause pour préparer notre traversée de la Bosnie. Au cours de notre avancée, nous nous faisons la réflexion que la diversité architecturale piémontaise semble bien timide comparée au grand n'importe quoi bosniaque ... cabanes en bois côtoient pavillons de nouveaux riches, maisons en briques, lotissements, balustrades néo-classiques en stock, façades rose shamalow avec toiture vert petit pois... et on en passe.

mercredi 29 août 2012

de Miramare (Italie) à Klevonica (Croatie) - Dynamique de la précarité volontaire



Après 3 jours de vie luxueuse dans les dortoirs et les douches partagées de l'auberge de jeunesse de Miramare (à l'ouest de Trieste), nous nous replongeons mollement dans ce qu'on appelle parfois "notre dynamique de la précarité volontaire". Pour précision, c'est ce qui nous fait bouger depuis le début. Nous n'avons aucune attache, nous ne pouvons laisser la tente nulle part (à moins que ce soit un camping mais cela fait vite dépasser notre budget). Bref la solution est d'avancer, sac sur le dos avec toutes nous affaires. Cette année nous coute moins cher si nous marchons que si nous restons sur place.

Suite à un chargement de parcours, nous ne passons finalement que deux jours en Slovenie dont l'un assez éprouvant le long d'une nationale qui mène à Rijeka des flopées de touristes allemands et autrichiens qui s'apprêtent à tremper leur cul dans l'Adriatique. Les paysages de l'extrême sud-ouest du pays sont tes bucoliques et nous laissent rêveurs. Malgré le peu de temps passé sur le territoire, nous avons et, à l'occasion des différentes rencontres, la chance de déguster quelques spécialités : 
- Au camping de Školfje, la patronne nous prépare une délicieuse soupe au lard (le jota) et de petits roulés de pomme de terre au épinards et à l'ail (des štruklji). - A Prem, spontanément invités par ma famille Gardelin (alors qu'on s'apprête à faire la sieste non loin de chez eux), nous découvrons le chou fermenté, spécialité de le région. Le père qui parle un très bon français, nous fait visiter la maison dont la décoration évoque à Benjamin les intérieurs Moldaves (ou syldaves) de Tintin et le sceptre d'Ottokar.
- Enfin, à l'hôtel Kocanija, (devant lequel nous ne faisons que passer) la patronne nous invite instantanément et de manière assez directive à nous asseoir et nous apporte un petit déjeuner gargantuesque: oeufs, bacon, poivrons cuits au vinaigre, radis, cafés, coca. Elle nous propose aussi de passer une nuit à l'hôtel. Il n'est que 9h du matin, nous déclinons et repartons quelque peu stupéfaits et abasourdis par ce geste gratuit de la part d'un commerçant qui normalement vend ce même service.

Le long d'un sentier Slovène qui nous mène à le frontière croate, tandis que nous redoutons l'apparition d'un ours, c'est finalement deux douaniers qui surgissent d'un bosquet et nous font gentiment comprendre que le chemin que nous voulons emprunter pour entrer en Croatie nous coûterait la bagatelle de 100 euros d'amende. Nous sommes donc contraints de faire un crochet de 5km pour rejoindre le passage officiel; ce qui nous vaut une des scène les plus burlesque du voyage à la douane : nous deux, sac sur le dos, dans la file d'attente des voitures entre un camping car néerlandais et une BMW allemande.
Le basculement sur le territoire croate nous plonge dans un environnement aride et pierreux qui nous pousse à s'adresser aux habitants pour avoir suffisamment d'eau et savoir où poser notre tente. C'est comme ça que nous rencontrons Šefik qui possède à la sortie du village de Škalnica un immense terrain envahie par des carcasses de camions et autres épaves de voitures. Il accepte tout de suite de nous laisser poser notre tente chez lui et viendra même nous indiquer un endroit plus confortable avec un accès à l'eau. A la nuit tombée, il nous invite sur sa terrasse à boire une bière et un jus de cerises maison. Nous discutons dans un mélange d'italien limité et d'allemand bancal. Abordant finalement certains sujets politiques plus complexes (entre autres la situation actuelle des pays de l'ex-Yougoslavie), Šefik à l' idée de faire usage de google traduction pour palier à nos déficiences linguistiques. Les limites du moteur de traduction et le sens de l'humour dont Šefik fait preuve dans ses tournures de phrase déclenchent quelques fou rire. Le lendemain au petit déjeuner, alors qu'on lui fait remarquer que son potager est resplendissant, il nous explique que ce ne fut pas facile. Chaque cm de terre se gagne à coup de pioche contre un sol truffé de pierres. S'ajoute à cela une sécheresse qui dure depuis 4 mois dont la famille d'agriculteurs slovènes de Prem nous avait déjà parlé concernant leur production de choux blancs. Les paysages dans lesquels nous avançons les jours suivants en sont marqués. Les arbres sont secs et virent au rouge et le jaune lumineux des champs pelés est ponctué de chardons bleus.

Un soir, alors que nous venons d'installer la tente, un jeune berger et son troupeau passent près de nous. La scène est magique. Après une journée de chaleur étouffante, le jour décline doucement. Pas un souffle de vent. Seuls les cloches et le bruissement des feuilles sèches que mâchent les chèvres viennent rompre le silence. Le troupeau progresse très lentement entre les herbes rases et les murets de pierres d'un pâturage parsemé de chênes tortueux. L'atmosphère pastorale méditerranéenne de cette scène évoque à nos esprits la Palestine du petit Jésus. Après une semaine passée en hauteur (avec des vues imprenables sur la mer et les îles dalmates), à distance raisonnable des plages et de l'activité balnéaire qui s'y déploie, nous nous décidons enfin à tremper un pied dans l'eau après avoir judicieusement choisi un village de taille raisonnable pour faire une pause: Klevonica.

En bonus pour les oreilles :
Dans un camping, en Slovenie, un Tcheque chante Folsom Prison de Johnny Cash dans sa langue :

jeudi 16 août 2012

De Pianello à Trieste - Hospitalité İtalienne




Nous quittons le Trentino et nos premiers pas dans le Veneto sont joyeusement accompagnés par Rosanna et sa petite chienne Franca le long du fleuve Brenta.  Lors de la traversée de Pove del Grappa nous demandons à un habitant de remplir nos gourdes. Curieux de notre périple, il nous propose aussitôt d'installer notre tente chez son voisin. L'endroit est parfait, nous sommes ravis et comprenons rapidement que leur hospitalité ne s'arrêtera pas là. Après nous avoir proposé de prendre une douche, Maria et Giuseppe nous servent un repas. Au fur et à mesure que le nuit tombe une dizaine de leurs amis et voisins viennent et s'assoient autour de la table  pour discuter un brin. Un méli-mélo d'espagnol, d'allemand, d'anglais et d'italien nous permet d'échanger avec tout le monde. Ils saisissent très bien les enjeux et les motivations de ce projet de marche et d'une manière générale, nous partageons pas mal de choses sur la vie, la politique et la nourriture. La soirée se déroule dans une ambiance de franche camaraderie tout à fait joviale. Le lendemain, c'est au tour de Giovanni, le voisin, de témoigner de son hospitalité en nous offrant un délicieux petit déjeuner.
Pour la première fois depuis la Drôme nous sortons des montagnes et évoluons à leur pied. Les oliviers des alentours de Pove laissent peu à peu la place à des vignobles qui se déploient sur de doux reliefs qui évoquent à Benjamin ceux de le Dordogne. Ici point de Bergerac mais du Prosecco.
Nous nous enfonçons progressivement dans la plaine, les montagnes apparaissent au loin, au dessus des champs de maïs. Avec nos tenues et nos équipements nous intriguons les locaux qui nous demandent régulièrement où nous allons. Ils nous offrent des fruits de leur jardin, des cafés, des biscuits; les commerçants ajoutent volontiers une bricole à nos courses. Tout cela est plutôt enthousiasmant.
Parmi les rencontres, la plus inattendue reste celle avec Romeo qui, à peine nous avoir vu passé devant chez lui, nous invite sous sa tonnelle de kiwis. L'eau coule à flot d'une fontaine que chaque habitant a dans son jardin et qui provient d'un généreux fleuve souterrain. La discussion se prolonge et Romeo ne résiste pas à l'envie de nous faire découvrir sa passion. Nous le suivons dans ce qu'il appelle son «petit laboratoire» puis dans sa cave. Il distille tout un tas de fruits qui poussent autour de chez lui et réalise des liqueurs dont les vapeurs sont exquises. Il nous en offre une petite bouteille à base de mures: parfait, cela manquait à notre équipement et ce n'est pas trop lourd.
Ces rencontres, même furtives, dont nous ne narrons que les plus singulières, se sont multipliées depuis notre sortie du Trentino. Ce n'est pas seulement parce que nous faisons figure d'extra-terrestre dans ces plaines agricoles, mais aussi parce que, sans doute, l'esprit y est un peu différent. Après un mois et demi passé en Italie nous nous remémorons nos premiers jours dans le Piémont où nous ne cessions de susciter l'intérêt. On s'amuse de constater que jamais dans la très riche Lombardie nous ne nous sommes fait inviter spontanément ou même aborder par curiosité. Aussi, pas une des maisons qui nous ont offert l'hospitalité ne présentait de signes ostentatoires religieux, caméra de surveillance, nain de jardin ou petit chien teigneux. Quant au Trentino, les rares personnes avec lesquelles nous avons échangé nous ont fait part elle-même de la mentalité un peu trop autrichienne de la région. Dommage, c'est sans doute celle qui nous a le plus séduit.
Nous faisons maintenant une pause à Trieste afin de se remettre de ces chaudes et longues journées de marche en plaine. La Slovénie n'est qu'à une centaine de mètres, nous appréhendons quelque peu: il va falloir nous familiariser avec les rudiments d'une nouvelle langue et les villages sont bien moins nombreux qu'en Italie, ce qui va nous contraindre à une plus rigoureuse gestion de la nourriture et de l'eau. Nous sommes déjà un peu dans le bain, depuis 2 jours tout est écrit dans les deux langues et plusieurs personnes que nous rencontrons sont d'origine slovène. Parmi eux Boris et Patrizia qui tiennent une ferme-auberge à Medeazza où nous dégustons un jambon à tomber par terre. Accueil, décoration, nourriture et musique sont un sans faute et comme par hasard nous sommes perdus en pleine pampa loin des axes routiers et des lieux touristiques: il y a toujours une certaine cohérence.
Plus loin c'est Pietro Antonic, ancien chef d'un resto italien de la banlieue de Londres, qui nous invite à déguster une énorme tomate de son potager qu'il prépare en un tour de main avec du basilique, de l'huile d'olive et du pain maison. Ultra- volubile, Pietro tourbillonne dans tous les sens et raconte mille, anecdotes liées à sa collection d'assiettes qui orne les murs de sa cuisine tandis qu'il prépare des bocaux de sauce tomate pour l'hiver. Nous repartons alors que le jour décline avec du pain, des tomates, une rose er une balle de la seconde guerre mondiale.
Depuis notre traversée du fleuve Insonzo de doux reliefs nous ont amené sur un plateau dont la végétation et la géologie nous évoque le Larzac. Les arbustes rougeoient annonçant l'approche de l'automne et au loin entre les arbres, nous apercevons la mer Adriatique.

jeudi 9 août 2012

Un crochet dans les Dolomites



Depuis Briancon déjà, nous croisons des gens qui nous parlent de ce massif célèbre. Notre chemin passe 50km plus au sud, nous sautons dans un bus (et un téléphérique) pour nous y rendre et y passer une journée féerique avant de reprendre notre route au point où nous l'avons laissé.
Petits cailloux, cassures, éraflures, crevasses et mini-cratères donnent à l'ensemble, vu de loin, un aspect velouté qui pourrait évoquer une moisissure de fromage roulée dans la cendre.
Ce petit détour et les dépenses qui y sont liées rappellent à notre porte-monnaie que ce voyage n'est viable, pour nous, qu'à condition de dormir le plus souvent dans la nature et d'éviter toute dépense superflue.

mercredi 8 août 2012

De Riva del Garda à Pianello - Randonneurs a la plage




Après une journée passée sur la page du lac de Garde en tenue de randonneurs au milieu des bikinis, nous entamons la marche sous une température à peine plus clémente en fin d'après-midi et pénétrons dans une vallée dont nous ne soupçonnons pas la beauté. Celle-ci regorge de vergers, potagers et vignobles dont les alignements contrastent avec les falaises vertigineuses qui s'élèvent au dessus de nos têtes. Les roches qui affleuraient gentiment depuis Lecco semblent maintenant chercher à s'extraire du sol et annoncent l'approche du massif des Dolomites vers lequel nous nous dirigeons. Un soir nous nous arretons pour dormir chez des vignerons qui ont aménagé un micro-camping. La patronne nous accueille avec un énorme ballon de rouge puis revient un brin éméchée alors que nous nous apprétons à dormir pour nous offrir une pizza et à nouveau du pinard. Au petit matin nous repartons avec un plein panier de tomates cerises.
En arrivant place du dôme à Trento, Tleytmess tombe instantanément sous le charme de la ville. A mi-chemin entre l'Autriche et l'Italie, l'architecture offre une grande diversité : une combinaison réjouissante de l'élégance vénitienne, du classicisme romain, du baroque autrichien et de la rusticité des architectures vernaculaires alpines. Nous décidons d'y passer une nuit afin de flâner dans la ville (libérés des sacs) et de s'offrir un restaurant dont la cuisine raffinée est absolument délicieuse: Il Cappello.
Notre avancée dans les vallées du trentino est ponctuée part des baignades rafraîchissantes dans de très beaux lacs accessibles (et gratuit!).
Cette région nous donne très envie d'y revenir faire autre chose que de la marche : escalade, vélo, voile, canyoning, oeno-tour... les possibilités sont nombreuses.

mardi 31 juillet 2012

De Erba à Riva del Garda - Angoisses nocturnes



Nous repartons d'Erba reposés avec de merveilleuses charcuteries d'Ombrie offertes par Marilena et deux nouvelles pièces pour réparer notre tente fabriquées maison par Riccardo. Tout serait parfait si la traversée de Lecco sous un soleil de plomb n'était pas si éprouvante. Heureusement, on triche un poil, un petit tour de téléphérique et on se retrouve plongé dans une ambiance alpestre très reposante. Nous découvrons le minuscule village de Morterone et son expo permanente d'art contemporain, et nous tombons sous le charme de l'environnement naturel dans lequel nous nous trouvons, à savoir l'Orobie: les reliefs sont très doux même en altitude, quelques rochers affleurent, la végétation très fraîche est d'un vert intense. Les paysages dessinent des lignes qui ondulent et nous mènent à Oltre il Colle, un sublime endroit, point d'orgue de cette partie de la Lombardie où nous espérons bien revenir un jour. Côté papilles, on goûte ici au Taleggio (entre la raclette et le munster suivant l'état de fermentation, délicieux) et au Bagoss. Chaque vallée a son fromage.
Si nous apprécions beaucoup la disparité, la fantaisie et la décontraction italienne côté architecture, c'est un peu plus agaçant quand il s'agit du marquage des sentiers : soit ils sont inexistants, soit ils sont confus où redondants, soit ils sont illisibles, soit ils ne mènent nulle part ou à des refuges fermés. Pour illustration, nous avons suivi un jour sur cinq kilomètres un sentier parfaitement tracé qui nous a amené tout droit à un pont effondré et obligé à une traversée périlleuse de la rivière. Nous nous étions souvent interrogés avant notre départ sur les techniques pour s'orienter. La recette actuelle est la suivante : grandes lignes tracées sur une carte 1/200.000, puis ajustements et rectifications avec le GPS, les cartes et panneaux touristiques et enfin pas mal de conseils collectés auprès des locaux (du moins ceux qui pratiquent un minimum la marche à pieds et qui savent que dans notre cas une 4 voies ne permet pas d'aller plus vite...).
Nous progressons dans les villages au rythme des «oggi sposi», «attenti al cane», autocollants de la ligue du nord (dont on se passerait bien d'après ce que nous en disent nos amis italiens) et bar gelateria.
La marche est propice à la remontée en mémoire de pas mal de souvenirs qu'on ne croyait même plus stockés quelque part... Tleytmess se rappelle du nom de certains camarades de classe dont elle avait oublié l'existence, tandis que Benjamin se désespère de constater qu'il connaît par coeur les paroles du premier album de Sinclair.
Depuis presque trois mois maintenant que nous marchons, si les photos font le part belle aux merveilleux endroits que nous parcourons, soyez rassurés, il y a aussi quelques difficultés : la météo est très imprévisible et de nombreux orages nous ont fait serrer les fesses de jour comme de nuit. En contrepartie, ils génèrent souvent de somptueuses lumières changeantes. Quant à nos nuits elles ne sont pas toujours très reposantes. le moindre bruit amplifié et surinterprété, souvent par manque d'imagination, se transforme parfois en psychose. Plus d'une nuit aux abords des villes sont devenues inquiétantes à partir d'événements aussi dérisoires qu'un drapeau qui claque au vent, une mouche coincée dans un sac, ou un type qui se racle le gorge en promenant son chien.
Les sacs sont toujours aussi lourds même si nous les supportons mieux et nous avons remarqué à ce sujet que, comme le chien ressemble à son maître, le sac ressemble à son randonneur.
Bon, cela dit, les paysages quasi-méditerranéens dont témoignent les photos de notre arrivée sur le lac de Garde font largement oublier ces petits désagréments.
PS : les lacs du coins sont bien plus accueillant. probablement aussi parce que les touristes n'y viennent pas que pour le prestige mais bien pour profiter de la richesse et la diversité de l'environnement.