Après
ces deux jours de pause obligée, nous reprenons la marche dans un brouillard
qui se dissipe peu à peu et nous dévoile un paysage singulier : terre rouge
désertique, rochers affleurant de l'herbe caussenarde, hêtres tortueux petits
et râblés comme des bonsaïs, buis et végétation éparse, rase et serrée pour
résister au vent qui balaye inlassablement les causses. A nos pieds surgissent
des multitudes d’orchidées sauvages et d’anémones d’un violet profond. Au loin,
le paysage semble subdivisé en une multitudes de petites propriétés délimitées
par des rochers ruiniformes dont on a du mal à imaginer qu’il ne sont pas des
constructions humaines tant ils évoquent des murs de pierres en ruine (d’où
leur nom). Nous traversons la Virenque dont les gorges étroites sont emplies
d’une végétation simili tropicale, et approchons des Cévennes dont on commence
à percevoir les reliefs recouverts de genêts en fleur.
Après
une première nuit dans le gîte municipal d’Alzon, nous grimpons sur une crête
en direction de L’Espérou via le Saint Guiral, un sommet tout en gros cailloux
arrondis. L’étape est longue mais la beauté du paysage nous donne des ailes et
le temps radieux nous euphorise littéralement. Ca ne loupe pas, emportés par
l’humeur joyeuse et séduit par le panorama magnifique que nous dévoile un
chemin qui part sur notre droite nous nous y engageons avec entrain et lâchons
involontairement le chemin que nous sommes censés suivre. C’est seulement au
bout d’une bonne demi-heure de marche que le doute s’immisce ; une brève
consultation du GPS nous fait réaliser notre erreur. Nous sommes bon pour
revenir sur nos pas et remonter ce que nous venons de descendre. Agacés par cet
épisode nous accélérons la marche, tout en sachant que nous avons de toutes
façons explosé notre temps de parcours. Ah ! Si nous avions la tente ces
questions ne se poseraient pas ! Nous ne sentirions pas l’obligation de
rejoindre à tous prix le prochain gîte et pourrions stopper quand et où bon
nous semble. Nous tirerons une leçon de cette légère déconvenue : il ne
faut jamais relâcher notre attention même (et surtout à vrai dire) quand tous
les éléments semblent de notre côté.
A
l’approche du village de l’Espérou, alors que le jour tombe, aidés par la
fatigue, nous perdons de vue le chemin de grande randonnée que nous suivons. GPS
à la main, nous optons pour une traversée à travers champ pour rejoindre la
départementale qui nous amènera au village, puis au gîte dont la tenancière
commençait à s’inquiéter. Impossible de la prévenir de notre retard, nos
téléphones ne captent quasiment rien dans la région. Elle nous a cuisiné un
succulent civet de sanglier que nous nous empressons d’honorer avec une
fringale de tous les diables. Faut bien reconnaître qu’on est plus à l’aise
quand ils sont dans nos assiettes ces gros bestiaux. En effet, celui de ces
congénères qui, planqué dans un fourré, nous a subitement grogné dessus dans
l’après midi peut se vanter de nous avoir bien flanquer la frousse :
jamais nous n’aurions pensé être capable de faire un bond pareil avec un tel
poids sur le dos.
A
part une grosse migraine pour Tleytmess et la foudre qui manque de nous tomber
dessus le jour de la Pentecôte (certainement une manifestation de l'Esprit Saint), la suite de notre traversée des Cévennes est
plus paisible. Les Rochers ronds granitiques, l’herbe beige, les parterres de
genêts, les gibiers et les confitures maisons feront la joie de la découverte
de ce massif dont nous ne connaissions rien. La sympathie et la diversité des
gérants des gîtes nous amuse et nous donne l'occasion de discuter chasse,
voyage, gastronomie, écologie et football (Nous suivons le match France-Islande
avec nos hôtes).