Ca
y est, il semble qu’on commence à entrer dans le vif du sujet. Jour après jour
nous nous enfonçons dans des régions de moins en moins densément peuplées et
plus question désormais de se faire récupérer par des copains ou cajoler par la
famille... Après une traversée assez peu palpitante de la ville de Castres,
nous montons peu à peu en altitude et nous nous immergeons dans un paysage qui
change subtilement et fait apparaître progressivement une végétation plus
sèche : des résineux, des buis et des genêts. Les villages se font rares,
et nous nous devons de calculer judicieusement nos réserves de nourriture
d’autant plus que la promesse d’un village n’implique pas nécessairement celle
d’une épicerie… et quand il y en a une, il n’est pas gagné qu’elle soit ouverte
au moment de notre passage.
Avec
un plaisir certain, nous prenons nos habitudes dans cette nouvelle vie
« sauvage ». Nous faisons notre première toilette dans un ruisseau et
enchaînons les bivouacs en pleine nature : au cœur d’une forêt de pins dont
les troncs ondulent et craquent à chaque bourrasque, noyés dans les herbes
hautes au bord du lac du Laouzas (On découvrira le lendemain que le lieu est
infesté de tiques dont deux sont venus se loger sur les cuisses de Benjamin),
au bord d’un chemin boueux réveillés par une bruine intense et pénétrante dans
la forêt du Haut Dourdou…
En
effet, après un beau début de semaine bien qu'un peu frais (nuits qui frôlent
méchamment les 0 degré), le temps semble se gâter et s’annonce carrément
catastrophique pour les jours à venir, ce qui n’arrange pas nos affaires. Du
coup, on essaye de mettre la gomme pour tenter d’atteindre rapidement la cité
médiévale de la Couvertoirade où nous savons qu’il existe un gîte d’étape qui
nous permettra de patienter au chaud que les intempéries passent sans exploser
notre budget journalier (on reviendra sur ce point plus tard).
La
veille de notre arrivée à la Couvertoirade nous pénétrons sur les causses du
Larzac. Pour un randonneur qui parcours ces immenses plateaux, l’un des avantages
de leur configuration géographique est qu’elle permet de voir venir de loin le
mauvais temps - en l’occurrence un énorme orage - l’inconvénient étant qu’on y
fait rapidement office de paratonnerre. Voyant cet orage nous rattraper
inexorablement et constatant encore la distance relativement longue qui nous
sépare de la Couvertoirade, nous demandons à un habitant d’un petit hameau (un
Mas comme ils disent dans le coin) si il n’aurait pas l’idée d’un endroit où
nous pourrions passer une nuit à l’abri des intempéries qui s’annoncent
sévères. Il réfléchit un instant, chausse ses bottes et nous indique de le
suivre. Il marche d’un pas rapide et parle d’une grotte dans laquelle nous
pourrions nous installer, l’idée est assez excitante. Le vent se lève, les bourrasques
se font de plus en plus fortes et la pluie crépite sur nos vêtements.
Imperturbable, le brave monsieur continue d’un pas vif, quitte la petite route
que nous suivons et nous indique effectivement une cavité naturelle à proximité
de laquelle une source a la bonne idée de surgir. Un endroit sec où
dormir ; un point d’eau potable, autrement dit pour nous à ce moment
là : l’essentiel. Nous sommes ravis et nous nous payons même le luxe
d’allumer un feu et de monter notre tente tellement l’espace est grand.
A
notre réveil, l’orage gronde à nouveau et ne semble jamais vouloir se calmer.
Les éclairs tombent à quelques centaines de mètres de notre abri. On ne préfère
même pas imaginer ce qu’aurait été notre nuit (et notre matinée) sans cette
rencontre providentielle…
L’orage
fini par s’éloigner, mais c’est quand même sous une pluie battante que nous
finissons par arriver piteusement à la Couvertoirade.
Le temps s’avère, comme annoncé, parfaitement
catastrophique pour les jours à venir. Des trombes d’eau s’abattent en continue
sur les toits en ardoises de la cité médiévale. Nous mettons à profit ces jours
d'arrêt forcé pour régler un problème technique fâcheux : l’un des arceaux
de la tente a lâché au cours de cette dernière nuit. Nous nous voyons dans
l’obligation de renvoyer la structure de la tente au magasin le vieux campeur
dont l'efficacité en terme de conseils et de soutien logistique pour ce genre
de projet est remarquable. Si tout va bien, on devrait retrouver la structure
de notre tente réparée au camping de Vallon Pont d’Arc en Ardèche. D’ici là il
faut faire sans. Heureusement nous nous apprêtons à entrer dans les Cévennes où
nous devrions trouver sans trop de mal des gîtes d’étape où passer nos nuits.
Il faut juste qu’on évalue nos étapes, pas question de dormir en pleine pampa
sans tente…