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mercredi 29 août 2012

de Miramare (Italie) à Klevonica (Croatie) - Dynamique de la précarité volontaire



Après 3 jours de vie luxueuse dans les dortoirs et les douches partagées de l'auberge de jeunesse de Miramare (à l'ouest de Trieste), nous nous replongeons mollement dans ce qu'on appelle parfois "notre dynamique de la précarité volontaire". Pour précision, c'est ce qui nous fait bouger depuis le début. Nous n'avons aucune attache, nous ne pouvons laisser la tente nulle part (à moins que ce soit un camping mais cela fait vite dépasser notre budget). Bref la solution est d'avancer, sac sur le dos avec toutes nous affaires. Cette année nous coute moins cher si nous marchons que si nous restons sur place.

Suite à un chargement de parcours, nous ne passons finalement que deux jours en Slovenie dont l'un assez éprouvant le long d'une nationale qui mène à Rijeka des flopées de touristes allemands et autrichiens qui s'apprêtent à tremper leur cul dans l'Adriatique. Les paysages de l'extrême sud-ouest du pays sont tes bucoliques et nous laissent rêveurs. Malgré le peu de temps passé sur le territoire, nous avons et, à l'occasion des différentes rencontres, la chance de déguster quelques spécialités : 
- Au camping de Školfje, la patronne nous prépare une délicieuse soupe au lard (le jota) et de petits roulés de pomme de terre au épinards et à l'ail (des štruklji). - A Prem, spontanément invités par ma famille Gardelin (alors qu'on s'apprête à faire la sieste non loin de chez eux), nous découvrons le chou fermenté, spécialité de le région. Le père qui parle un très bon français, nous fait visiter la maison dont la décoration évoque à Benjamin les intérieurs Moldaves (ou syldaves) de Tintin et le sceptre d'Ottokar.
- Enfin, à l'hôtel Kocanija, (devant lequel nous ne faisons que passer) la patronne nous invite instantanément et de manière assez directive à nous asseoir et nous apporte un petit déjeuner gargantuesque: oeufs, bacon, poivrons cuits au vinaigre, radis, cafés, coca. Elle nous propose aussi de passer une nuit à l'hôtel. Il n'est que 9h du matin, nous déclinons et repartons quelque peu stupéfaits et abasourdis par ce geste gratuit de la part d'un commerçant qui normalement vend ce même service.

Le long d'un sentier Slovène qui nous mène à le frontière croate, tandis que nous redoutons l'apparition d'un ours, c'est finalement deux douaniers qui surgissent d'un bosquet et nous font gentiment comprendre que le chemin que nous voulons emprunter pour entrer en Croatie nous coûterait la bagatelle de 100 euros d'amende. Nous sommes donc contraints de faire un crochet de 5km pour rejoindre le passage officiel; ce qui nous vaut une des scène les plus burlesque du voyage à la douane : nous deux, sac sur le dos, dans la file d'attente des voitures entre un camping car néerlandais et une BMW allemande.
Le basculement sur le territoire croate nous plonge dans un environnement aride et pierreux qui nous pousse à s'adresser aux habitants pour avoir suffisamment d'eau et savoir où poser notre tente. C'est comme ça que nous rencontrons Šefik qui possède à la sortie du village de Škalnica un immense terrain envahie par des carcasses de camions et autres épaves de voitures. Il accepte tout de suite de nous laisser poser notre tente chez lui et viendra même nous indiquer un endroit plus confortable avec un accès à l'eau. A la nuit tombée, il nous invite sur sa terrasse à boire une bière et un jus de cerises maison. Nous discutons dans un mélange d'italien limité et d'allemand bancal. Abordant finalement certains sujets politiques plus complexes (entre autres la situation actuelle des pays de l'ex-Yougoslavie), Šefik à l' idée de faire usage de google traduction pour palier à nos déficiences linguistiques. Les limites du moteur de traduction et le sens de l'humour dont Šefik fait preuve dans ses tournures de phrase déclenchent quelques fou rire. Le lendemain au petit déjeuner, alors qu'on lui fait remarquer que son potager est resplendissant, il nous explique que ce ne fut pas facile. Chaque cm de terre se gagne à coup de pioche contre un sol truffé de pierres. S'ajoute à cela une sécheresse qui dure depuis 4 mois dont la famille d'agriculteurs slovènes de Prem nous avait déjà parlé concernant leur production de choux blancs. Les paysages dans lesquels nous avançons les jours suivants en sont marqués. Les arbres sont secs et virent au rouge et le jaune lumineux des champs pelés est ponctué de chardons bleus.

Un soir, alors que nous venons d'installer la tente, un jeune berger et son troupeau passent près de nous. La scène est magique. Après une journée de chaleur étouffante, le jour décline doucement. Pas un souffle de vent. Seuls les cloches et le bruissement des feuilles sèches que mâchent les chèvres viennent rompre le silence. Le troupeau progresse très lentement entre les herbes rases et les murets de pierres d'un pâturage parsemé de chênes tortueux. L'atmosphère pastorale méditerranéenne de cette scène évoque à nos esprits la Palestine du petit Jésus. Après une semaine passée en hauteur (avec des vues imprenables sur la mer et les îles dalmates), à distance raisonnable des plages et de l'activité balnéaire qui s'y déploie, nous nous décidons enfin à tremper un pied dans l'eau après avoir judicieusement choisi un village de taille raisonnable pour faire une pause: Klevonica.

En bonus pour les oreilles :
Dans un camping, en Slovenie, un Tcheque chante Folsom Prison de Johnny Cash dans sa langue :