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jeudi 1 novembre 2012

de Bajram Curry (Albanie) à Skopje (Macedoine) - Traversée du Kosovo



Nous quittons Bajram Curry et l'Albanie dans une drôle d'ambiance. Nous suivons une route défoncée qui traverse des champs jonchés d'ordures, la brume s'est installée dans la vallée, et ponctuellement, apparaissent des meutes fantomatiques de chiens errants. nous nous apprêtons à entrer  au Kosovo avec en tête le message qu'un jeune kosovar, élève d'une classe de Pau avec laquelle nous correspondons, nous a écrit : « là bas il y a de la neige qui tombe et il fait très froid. Et il ne faut faire confiance à personne. Il n’y a pas de sécurité. Il ne faut pas dormir n’importe où parce que il y a des chiens dans la rue sans leur maître. Aussi il faut faire attention dans la forêt parce que il y a des ours et des loups. Quand tu passeras mon pays peux tu me garder un peu de neige ? »
Histoire de compléter ce tableau enthousiasmant, la campagne albanaise est truffée de bunkers plus ou moins dégradés. ceux-ci ont été construits pendant la dictature communiste dans un grand délire paranoïaque d'Enver Hoxha, persuadé que tout le monde voulait envahir l'Albanie. Il y en a plus de 750000 à travers tout le pays, soit 1 bunker pour 4 albanais. Leur construction a coûté une fortune. Aujourd'hui, «les champignons de tonton Hoxha» font partie du patrimoine et certains sont réhabilités en lieu de stockage, bar, hôtel...

Notre courte traversée du sud kosovar nous donne l'occasion de decouvrir 2 villes qui nous ont bien plu. Gjakova et son immense bazar que nous visiterons dans le plus grand calme pour cause de jour férié : c'est Bajram (Aïd el kebir dans les balkans). Gjakova possède de très belles maisons de style ottoman, ainsi qu'une élégante mosquée devant laquelle traîne une ribambelle de gamins. Ils nous ont vu la veille lorsque nous avons traversé leur quartier, sorte de bidonville aux abords de Gjakova, quelques visages nous sont familiers. Nous avançons sous le porche de la mosquée où sont entreposées des peaux de moutons sanguinolentes, résultat des sacrifices de la veille. Un jeune homme nous explique qu'elles serviront à confectionner des tambours. Les enfants nous entourent, nous posent tout un tas de questions. Bien que leur vie soit de toute évidence assez modeste, nous ne sommes pour eux, ni portefeuille ambulant, ni bête de foire, mais amis, ce qui rend l'échange bien agréable.
A Prizren nous prenons le temps de faire un tour dans la ville qui regorge de bâtiments historiques: églises catholiques ou orthodoxes, mosquées, bains, maisons traditionnelles, fortifications. Nous y dormons dans un hôtel bon marché, city hostel. Le patron est curieux et avenant et nous discutons un bon moment avec lui, entre autre de la situation du pays.
Le Kosovo est peuplé à 80% d'Albanais, pour la plupart musulmans. La situation au nord du pays est encore tendue, la Serbie n'ayant toujours pas reconnu son indépendance. Un certain nombre de Serbes vivent sur le territoire, au nord, mais aussi dans des enclaves disséminées dont une que nous traversons au sud. C'est un épicier qui nous met la puce à l'oreille en s'adressant à nous en serbe. Il est très intéressé par la petite cloche que Benjamin a attaché sur son sac depuis la Slovenie pour prévenir les animaux, les ours en particuliers, de notre présence. Il est aussi berger et en aurait bien besoin pour l'une de ses bêtes. on lui offre de bon coeur, pour une fois qu'on peut faire un cadeau utile !
Quelques km plus loin, à Brezovica, on mange dans une petite auberge en présence de militaires américains de la Kfor (force armée de l'ONU chargée de maintenir la paix au Kosovo). Les types causent base-ball et littérature de guerre dans un américain chewing-gum du plus bel effet. Quant à nous, lorsque, par réflexe, nous employons notre faible vocabulaire albanais, le serveur nous fait gentiment comprendre qu'ici et dans la petite ville d'après il vaut mieux s'exprimer en serbe, autrement dit, pour ne vexer personne et en jargon de linguiste, en BCMS (bosniaque, croate, macedonnien montenegrin, serbe, slovène). ça nous arrange, depuis deux mois qu'on le baragouine on le maîtrise bien mieux que l'albanais que nous tentons de pratiquer depuis 15 jours seulement.
Différents indices permettent au marcheur de savoir s' il est dans une enclave serbe: la présence d'églises orthodoxes, de drapeaux, de plaques minéralogiques, de croix orthodoxes aux rétroviseurs des voitures et quelques graffitis du genre «Kosovo is Serbia».

La nuit tombée, vers 5h (foutu changement d' heure) nous arrivons à Brod, un petit village dont on ne sait s'il est peuplé de serbes ou d'albanais (aucun indice flagrant). Un peu hésitants, on se décide a frapper à la porte d'une maison pour demander l'autorisation de camper dans le champ voisin (en anglais c'est plus prudent...). Un jeune homme nous ouvre, accompagné d'une petite fille. Il envoie celle-ci chercher un monsieur et une dame suivis d'un petit garçon, puis d'une femme portant un bébé. Tout ce petit monde s'agite sur le perron, on saisi au vol quelques mots d'albanais et on comprend qu'ils n'ont aucunement l'intention de nous laisser dormir dans la tente avec le froid qu'il fait. En deux temps trois mouvements l'intégralité de la famille nous escorte dans une maison annexe dans laquelle nous sommes invités à dîner et à dormir. Depuis le début de notre périple, on reste épaté par la manière et la rapidité avec laquelle les gens qui nous offrent l' hospitalité interrompent leurs activités pour se mettre à notre entière disposition. Après un délicieux dîner c'est à nouveau suivi du cortège familial que nous allons sur internet pour discuter via msn avec Hesat, leur fils qui a une trentaine d'années. Il s'est installé en France pendant la guerre alors que ses parents sont restés cachés dans leur maison brûlée par l'armée serbe. Puis, à la fin du conflit, son père s'est chargé lui-même de déminer, sans le moindre équipement, le champ autour de chez lui. cela ne l'empêche pas aujourd'hui d'avoir en continue le sourire aux lèvres et de dégager, lui et sa femme, quelque chose de très chaleureux et jovial que nous avons profondément apprécié.

A la frontière macédonienne, nous nous retournons pour dire au-revoir au Kosovo, une neige légère est tombée sur les hauteurs et nous fait comprendre qu'il ne faut pas traîner pour relier la côte grecque et profiter, espérons le, encore un peu de la douceur du climat méditerranéen.