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lundi 19 novembre 2012

De Kerkini à Kavala - Une nuit dans un 33 tonnes



Nous quittons a reculons notre chaleureuse petite auberge pour longer le lac de Kerkini en direction d'Hiraklia. La compagnie de nombreux volatiles: pelicans, herons et flamands roses nous remotive. Les pelicans tout particulierement, dont nous observons attentivement la technique de peche, nous amusent beaucoup. Ils avalent tout rond une quantité industrielle de petits poissons et ressortent de l'eau la tignasse en petard.
Les jours qui suivent nous traversons une campagne vallonnée, tres exploitée. Principalement des champs de coton, des vignes et des vergers d'oliviers dans lesquels nous choisissons souvent d'installer la tente. L' automne étant maintenant bien avancé, la plupart des champs sont labourés ce qui donne au paysages de subtiles dégradés de teintes marron-ocre crème brûlée. La campagne grecque nous semble bien moderne en comparaison de celles que nous avons traversée dans les balkans. Les tracteurs trimbalent tout un tas d'engins aux fonctions bien déterminées, les meules de foin sont faites par des machines et bien sur fini les carrioles tractées par des ânes. De même, nous avions un peu oublié ce que pouvait être de véritables zones commerciales et restons assez effarés devant le besoin impérieux qui pousse les gens à consommer tout un tas de trucs rarement fondamentaux (...et de nous demander par la suite comment on fait pour se payer un pareil voyage...). Ce matin pourtant, le gouvernement grec vient de voter un nouveau budget d'austerite.

Pour le plus grand bonheur des yeux et des papilles les branches des plaqueminiers s'affaissent sous le poids d'enormes kakis couleurs braises tandis que la peau sèche des grenades craque et explose litteralement sous la pression de gros pepins rubis gorges de sucre et d'eau. Toutes ces vitamines tombent à point, nous sommes tous les deux enrhumés et bien fatigués depuis notre entrée en Grèce. Les journées sont courtes et si nous voulons maintenir nos 25kms quotidiens nous ne pouvons nous accorder trop de pauses. Nous déclinons a regret les quelques invitations qui nous sont faites d'aller boire un café.

Et si dans la plaine italienne en tenue de randonneur nous faisions figure d'extraterrestres, ici, avec nos blousons, gants, bonnets et batons, nous avons l'air de deux skieurs égarés a quelques km de la côte. Sur notre passage dans les villages, les Grecs crient : touristes ! touristes! et quand ils apprennent qu'on est francais ils nous parlent de Sarkozy/Hollande.

En vracs, quelques caractéristiques notables depuis notre entrée sur le territoire hellénique : De tres jolis decors peints ornent le contours des fenêtres de maisons au plan carré sobres et élégantes, les pâtisseries sont parfumées a la fleur d'oranger et a la cardamome, de nombreux vendeurs ambulants parcourent les campagnes avec des camionnettes équipées de haut-parleurs nasillards, les grecs ont souvent dans la main un chapelet qu'ils tripotent de maniere machinale, et les camionneurs ont régulièrement, plantées au milieu de leur pare-brise, d'enormes croix orthodoxes clignotantes (du plus bel effet...). Ce qui reste cependant le plus déroutant pour nous en Grèce est la facon qu'ont les gens de dire oui ou non. Le ne (oui en grec) s'accompagne d'une inclinaison de la tête sur le coté tandis que pour dire non (ochi), les gens lèvent très lentement les yeux au ciel. Nous restons souvent interloqués tant ces mots et ces gestes sèment la confusion dans l'esprit d'un francais.

C'est également dans la plus grande confusion que nous rencontrons la famille Etamos. A la sortie du petit village d'Antifilippi, nous faisons le plein en eau en vue de se cuisiner des pâtes. En cassant des branches pour préparer notre feu, nous déclenchons les aboiement d'un gros chien, gardien d'un entrepot grillage qui nous surplombe. Rapidement, l'alerte est donnée, un homme à la voix de baryton arrive, nous pointe avec sa lampe torche et nous questionne en grec. Il est à une dizaine de mètres au dessus de nous, derrière un grillage, dans l'obscurité nous sommes éblouis par sa lampe. La communication est quasiment impossible, il s'en va et revient quelques minutes plus tard avec sa fille qui touche quelques mots d'anglais. Elle nous demande de faire le tour pour les rejoindre. On s'exécute. Le monsieur, sa fille et sa femme nous conduisent près d'un énorme camion volvo. Nous ne comprenons pas vraiment où ils veulent en venir, jusqu'au moment où ils ouvrent la porte, allument la lumière et nous désignent deux couchettes. On éclate de rire, la situation est cocasse, nous allons passer la nuit dans la cabine d un poids lourd, sur le parking d'une entreprise de distribution de nourriture pour animaux. Ça nous convient parfaitement, l'engin est isolé et nous aurons moins froid que dans la tente.
Une heure plus tard, un camion se gare à côté du nôtre, c'est le fils de Christos et Katarina Etamos. Il nous invite un boire un coup, il est très amusé de nous trouver là, d' autant plus qu'il nous a déjà croisé deux fois sur la route. Il nous prend pour des fous et ne comprend vraiment pas pourquoi on fait tout ce trajet à pied. On lui fait remarquer que sans cela nous ne l'aurions pas rencontré. C'est désormais notre traditionnelle réponse, la seule qui met à chaque fois tout le monde d'accord. Ca ne l' empêche pas de nous dire « si un jour ma fille m'annonce qu'elle fait un truc pareil, je la zigouille.» On en vient à parler du modèle familial grecs, de la nécessité pour l'homme d'entretenir sa femme..., de l'importance de rester proche de ses parents ( depuis notre entrée dans le pays, plusieurs nous ont déjà demandé comment nous vivions la séparation avec nos parents....).  Bref c'est un modèle patriarcale traditionnel, un peu comme on l'a vu dans les balkans, à la différence qu'ici les femmes sont quand même invitées dans les conversations (après avoir tout de même préparé le café !). Cela reste certainement plus valable dans les zones rurales que nous traversons plutôt que dans les grandes villes.

On reprend la route un peu dans le jus, Benjamin à un rhume et cette semaine dans la pampa grecque nous a bien épuisé. on finit par arriver à Kavala via un ancien chemin de mules comme on en avait plus vu depuis l'Italie. Un vieux, hilare de savoir que nous venons de France à pied nous dit qu'il date de Megalou Alexandrou.