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mercredi 26 septembre 2012

De Jajce à Mostar - Humour croato-bosniaque




Après avoir visité jajce sous la pluie et envoyé Benjamin chez un frizerski (coiffeur)qui pourrait faire fortune s'il s'installait chez les bobo-rétros du marais, nous reprenons notre route en direction de Mostar, le long des rives de la Vrbas.
Entre 2 passages de bus eurolines s'impose une quiétude toute campagnarde. les villageois s'affairent à moultes activités de saison: cueillette de pommes, ramassage de choux et de patates, abattage de bois pour l'hiver et confection de marmelade cuite au chaudron. Toutes ces scènes qui passent inaperçues aux yeux des automobilistes nous laissent rêveurs et un brin envieux de certains savoir-faire fondamentaux qu'on n'apprend pas en fac d'histoire de l'art. Finalement, nous qui aspirons à une vie simple, nous en sommes encore loin. Quoi que nous sommes assez fiers d'être récemment parvenus à faire nos pâtes au feu de bois... un pas de plus vers l'autonomie ! 
Lors d'un pic-nic au bord de la Vrbas, 2 petits chenapants d'une huitaine d'années, quelque peu désoeuvrés, nous tiennent compagnie. Tleytmess leur montre l'usage des bâtons, ça les amuse beaucoup. Un moment d'inattention et ils nous chippent notre sac poubelle et le jettent à la rivière malgré nos protestations. On comprend mieux pourquoi les cours d'eau sont jonchés de déchets dans leurs moindres méandres. En même temps on ne peut pas trop leur en vouloir, dans les villages il n'y a pas de ramassage des ordures (il faut parfois faire plus de 40km pour aller les déposer), et quand il y en a on est en droit de se demander ce qu ils en font : les nombreuses décharges que nous croisons en pleine nature semblent bien organisées...  Enfin, tous comptes faits, vu le peu d'industries et leur niveau de vie, les Bosniens peuvent encore balancer pas mal de sacs plastiques dans la nature avant de parvenir au bilan carbone d'un français moyen.
Huit degrés celsius dans la vue, des figuiers, des grenadiers, des reliefs nettement plus prononcés et des flopées de crucifix accompagnent notre entrée en Herzegovine, dernier kanton bosniaque que nous traversons. En plus de son climat méditerranéen, celui-ci a la particularité de regrouper une bonne partie des Croates catholiques de Bosnie. A Prozor, premier village sur lequel nous tombons après notre entrée dans ce kanton, nous sommes frappés par la présence cumulée de croix sur les montagnes alentours, de crucifix sur les façades des maisons, de chapelets aux rétroviseurs des voitures... Quant à la famille qui gentiment nous invite à déguster un burek maison, elle se signe avant de passer à table.
Ainsi, à mesure que nous progressons en Bosnie, nous comprenons qu'au-delà du découpage régional il y a souvent des dominantes communautaires propres à chaque municipalité. Comme nous l'explique un habitant de Gornji Vakuf qui parle très bien français (son père a enseigné à l'universite du Mirail à toulouse pendant la guerre), sa ville est scindée en deux quartiers : « la rue principale ici c'est le mur de Berlin invisible. »
Heureusement ce n'est pas le cas partout, à l'approche de Mostar, nous sommes accueillis par une famille croate catholique adorable qui vit en bonne entente avec ses voisins serbes et musulmans. Le soir, autour de truites fraîchement pêchées, d'alcool de raisins et de jus de cerises maison, ils nous balancent quelques bonnes répliques qu'on vous livre ici sans détours :
« ici, tout le monde s'entend bien tant qu'il n'y a pas la guerre.»
«Pour faire court, à Mostar, au début de la guerre c'était les Croates et les Musulmans contre les Serbes, puis, quand ces derniers se sont retirés, il fallait trouver un ennemi alors les Croates et les Musulmans se sont mis sur la gueule.»
« Ici tout le monde produit son alcool maison (rakia, Benjamin connaît bien), en Croatie aussi, alors ils sont bien emmerdés parce qu'avec l'entrée dans l'UE et l'application des lois européennes ce sera interdit.»
«Quand l'équipe de foot de Bosnie joue contre la Croatie, en tant que Croate de Bosnie on ne sait pas trop qui soutenir.»
«les vieilles personnes sont souvent nostalgiques de l'époque de Tito, elles se trompent, elles sont justes nostalgiques de leur jeunesse.» Ces discussions avec les locaux alimentent les nôtres en chemin. On compte bien se plonger dans quelques bouquins sur le sujet à notre retour pour approfondir ces problématiques, aussi complexes, bêtes et méchantes qu'une guerre peut l'être.

PS: Ah oui dernière anecdote au sujet des rapports Croates/Musulmans a Mostar. Nous avons eu du mal a trouver la poste centrale puisque chaque communauté considère que la sienne est la principale sans même evoquer la présence d'une deuxieme poste toute aussi importante... Donc pour aller chercher un colis en poste restante ça peut être un peu compliqué. La ville est clairement divisée en deux partie: l'une catholique (croate donc) et l'autre musulmane (bosniaque).


En bonus pour les oreilles:
> A Jajce, Benjamin se fait couper les cheveux chez un vieux coiffeur qui ecoute une radio folklorique :

> A Jajce toujours, l'appel a la priere du Muezzin se mele au chant des oiseaux :